Les juridictions et juges de proximité

Auteur•rice•s

Marc VÉRICEL

Publication

2008

Cinq années après la mise en place des juridictions de proximité, il est apparu utile, à l’équipe de recherche de réaliser une étude de l’activité concrète d ces juridictions afin de déterminer si elles constituent bien une réponse nouvelle de l’institution judiciaire pour tenter de résoudre le problème de l’accès au juge des « petits litiges » ou si, à l’inverse, elles ne font finalement que traiter les litiges qui relevaient jusque-là des tribunaux d’instance, et cela sans même fournir d’apport particulier dans la façon de traiter ces litiges.

  • Cette étude apporte d’abord des renseignements sur le contentieux traité par les juridictions de proximité. On constate un fort accroissement du nombre de décisions rendues par ces juridictions entre 2005 et 2007 mais, pour un contentieux global TI- JP resté sans évolution notable. Le principal poste de contentieux soumis aux juridictions de proximité est celui des contrats (environ 70% des affaires terminées), suivi par celui de la protection sociale et celui des litiges de copropriété. L’analyse de 2232 décisions rendues, sur plusieurs postes de compétences, par 17 juridictions établit que, dans la très grande majorité des cas, les litiges portés devant la juridiction de proximité, ne soulève aucun problème juridique sérieux, mais plutôt des questions de fait et de preuve Le montant principal des demandes est, dans plus de la moitié des jugements analysés, de moins de 100 €. Les demandeurs ne sont représentés par un avocat que dans 55 % des cas et les défendeurs dans 46 % des dossiers.
  • L’étude permet aussi de mieux connaître le fonctionnement concret des juridictions. Des enquêtes de terrain réalisées dans 24 juridictions (de cour d’appel différentes), il résulte le constat d’un réel effort des juges en faveur d’une justice proche des justiciables, notamment sur le plan des contacts humains (les juges pratiquent effectivement un accueil bienveillant et une écoute particulière des plaideurs non représentés ou assités d’un avocat). Cet effort est très facilité par la règle généralement adoptée de limiter le nombre de dossiers par audience à 30 ou 40 (soit la moitié du nombre de dossiers habituels d’une audience d’un TI.). Par ailleurs l’analyse des décisions rendues par 17 juridictions ne fait pas apparaître d’incompétence manifeste des juges de proximité à régler le contentieux qui leur est soumis , même si on note une motivation juridique insuffisante des décisions. Mais ces observations, ne signifient pas pour autant que la juridictions de proximité assure véritablement un meilleur accès à la justice des petits litiges de la vie quotidienne car, l’instauration d’une juridiction supplémentaire a complexifié le traitement des litiges, notamment en générant nombre de difficultés de répartition des compétences. En outre, les règles de tenue et de déroulement des audiences, qui sont celles applicables aux tribunaux d’instance, laissent subsister les difficultés d’accès au juge pour les particuliers qui se défendent seuls, en raison de la faible valeur pécuniaire de leur litige. En conclusion, l’équipe de recherche propose, pour favoriser l’accès à la justice des litiges de la vie quotidienne en matière civile, de supprimer les juridictions de proximité, mais de maintenir les juges de proximité comme juges assistants des juges d’instance chargés d’assurer le jugement de tels litiges dans le cadre « d’audiences de proximité » se tenant selon une procédure adaptée (les jugements rendus étant toujours susceptibles d’un recours entouré d’un minimum de formalisme, porté devant le juge d’instance).