État civil de demain et transidentité

Auteur•rice•s

Laurence HÉRAULT

Publication

2018

L’objectif de la recherche était de proposer une approche comparée et pluridisciplinaire (droit, sociologie, anthropologie) de la procédure de changement de sexe à l’état civil.

Il s’agissait à la fois de réaliser une analyse du droit français depuis 1992, de mener une recherche de droit comparé (Allemagne, Australie, Belgique, Inde, Malte, Pays-Bas et Québec), et de documenter, à partir d’une enquête qualitative, les expériences des différents acteurs : personnes trans’ ayant eu recours à la procédure de changement d’état civil (CEC), associations trans’, magistrats, avocats, parlementaires ayant participé à la rédaction de la loi J21 et médecins, hospitaliers et non hospitaliers, recevant des personnes en transition.
Dans les droits étudiés, les évolutions observées conduisent à une éclipse de la notion de sexe à l’état civil au profit de la notion de genre. Cette évolution se manifeste par la disparition progressive des conditions liées au corps qui sont progressivement remplacées par des critères ayant trait au ressenti de l’individu et à son inscription sociale. Malgré ce développement, aucune des législations étudiées n’est encore allée au bout de cette évolution en séparant totalement les notions de genre et de sexe. Certains pays étudiés pourraient toutefois s’orienter à l’avenir vers une dissociation plus aboutie du fait de la suppression envisagée de la mention du sexe à l’état civil (Allemagne ou Québec). Avec la loi J21, la France a également commencé à dissocier sexe et genre mais le droit français n’est pas encore entré dans un système d’état civil reposant sur le genre et non sur le sexe. Ce basculement pourrait être imposé au droit français par le droit européen ou résulter d’une nouvelle initiative du législateur.
L’enquête qualitative a permis d’apporter un éclairage sur la nouvelle procédure. En premier lieu, il en ressort que le texte de loi ne répond pas totalement à l’attente consensuelle des associations, d’une procédure de CEC déjudiciarisée et démédicalisée. Les magistrats se montrent, quant à eux, favorables à la déjudiciarisation du changement de prénom mais restent attachés à la procédure judiciaire pour le changement de sexe. La démédicalisation de la procédure actuelle est appréciée par les personnes trans’ mais déroute les magistrats qui continuent de voir dans les pièces médicales une « garantie » pour leur décision. Cette démédicalisation est, par ailleurs, en train de modifier l’inscription du CEC dans la transition. Le CEC intervient désormais plus tôt sans être pour autant plus « fragile » : sa demande signe au contraire le sérieux de la démarche et permet en retour une inscription sociale plus stable et solide. Il semble, cependant, que la « preuve par le corps » reste fondamentale qu’elle soit médicalement garantie (par des attestations) ou perceptiblement certifiée à l’audience (par la présentation de la personne). Par ailleurs, un certain nombre de médecins, parfois membres des équipes hospitalières, considèrent désormais que la médicalisation de l’état civil est une entrave à l’exercice de leur mission et a pour conséquence de transférer sur eux une responsabilité qui ne leur incombe pas. D’autres sont néanmoins soucieux de faciliter l’accès des personnes au changement d’état civil et acceptent de rédiger des certificats qui ne confortent pas une approche pathologisante et stigmatisante de la transidentité.

Enfin, l’analyse juridique et l’enquête socio-anthropologique ont permis de formuler quelques propositions permettant de clarifier des problèmes de pure technique juridique apparus à la suite de la loi sur le CEC et de suggérer des pistes de réflexion pour une éventuelle évolution législative.