La Composition Pénale (CP) est atypique à maints égards : elle représente, au sein de la justice pénale, une rupture sur plusieurs plans.
En effet, à la différence des autres alternatives aux poursuites introduites dans le Code de procédure pénale, la CP n’est pas le résultat d’un processus de consécration de pratiques innovantes déjà expérimentées sur le terrain. Elle est le fruit d’une décision de la Chancellerie.
Une autre rupture concerne le principe du débat contradictoire et plus généralement celui de la séparation de la poursuite et du jugement. Déjà quelque peu écornés dans la forme par la multiplication des mesures alternatives accompagnées d’une sanction exécutable sous peine de poursuites (médiation pénale, rappel à la loi, etc.), ces principes se sont trouvés fortement ébranlés dans le cadre de la CP : la place du siège y est réduite à la validation des décisions du parquet. Dès lors, il semblait intéressant de mesurer quels bouleversements cette mesure avait entraînés, tant du point de vue des principes, et donc de la façon dont les magistrats percevaient leur fonction, que dans l’équilibre des rapports parquet-siège.
Une troisième transformation notable renvoie à la place de l’aveu dans la procédure pénale en général. Bien qu’encore très attachés au quotidien à la reconnaissance des faits par la personne mise en cause, les praticiens, policiers et magistrats ont toujours été réticents à reconnaître officiellement la place primordiale accordée à l’aveu dans leurs décisions. L’introduction de la CP dans la procédure pénale s’accompagne d’une promotion reconnue de l’aveu, l’article 41-2 du Code de procédure pénale en faisant découler directement des effets juridiques.
Liées aux deux derniers points, la question du débat contradictoire et celle de l’aveu, la place de la défense dans le nouveau dispositif suscite elle aussi des interrogations nombreuses. Contre toute attente, la CP ne se révèle pas être un « plea bargaining » à la française, dans la mesure où la sanction est décidée de manière unilatérale par le parquet, sans qu’aucune négociation ne soit prévue dans les textes. Le ministère public propose des mesures que l’auteur reconnaissant les faits ne peut qu’accepter ou refuser. Dès lors qu’aucune négociation n’est envisagée, et que par ailleurs le débat contradictoire est exclu, l’avocat peine à s’insérer dans le dispositif.
Mais, parallèlement à ces ruptures, la CP s’inscrit dans une tendance de fond : elle contribue à renforcer la position centrale du parquet dans le processus pénal, non seulement en lui offrant un type de réponse supplémentaire à côté des poursuites et des mesures alternatives, mais également en accroissant ses marges de manœuvre par rapport au siège. Autrefois cantonné à un simple choix binaire entre classement sans suite et orientation vers le procès pénal, le ministère public a vu ses possibilités d’action se diversifier au cours des dernières années avec l’addition de tout un arsenal de mesures d’ordres divers : rappel à loi, classements sous condition, médiation pénale, réparation, injonction thérapeutique,… Il est possible de lire la CP comme une nouvelle variation sur ce thème, puisque la personne s’engage à respecter des obligations et à assumer des sanctions sous peine de poursuites ultérieures.
Pour mesurer l’impact de la CP dans les juridictions, la présente recherche se fonde sur une enquête de terrain, des entretiens et des observations ayant été menés dans 7 juridictions.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Composition pénale