La mise en oeuvre de l’obligation de motivation des peines promulguée par la loi du 23 mars 2019 sur le renforcement de l’efficacité et du sens de la peine a été analysée par deux recherches complémentaires présentées dans ce numéro double des Actu-recherche. Sur la base d’une analyse poussée de décisions rendues et d’entretiens avec des acteurs de la justice, à partir de deux corpus différents, elles partagent le constat d’une pratique variable selon les juridictions mais globalement faible et insatisfaisante s’agissant des peines correctionnelles, particulièrement en première instance par comparaison avec les chambres d’appel qui motivaient cependant déjà la majorité de leurs décisions avant l’adoption de la réforme. La recherche conduite par Anne Ponseille, Marc Touillier, Pierre-Yves Gadhoun et Raphaële Parizot a étendu ses observations aux peines criminelles où a contrario la loi a été pleinement et aussitôt appliquée et constitue « une véritable révolution ».
La recherche conduite par Yannick Joseph-Ratineau, Benjamin Monnery et Anne-Gaëlle Robert, qui s’est, elle, concentrée sur les peines correctionnelles, décrit les différents types de motivation, allant du copier-coller de formules type aux éclaircissements circonstanciés et finement personnalisés en passant par des formes simplifiées et synthétiques dégageant les critères les plus déterminants, ou s’appuyant sur une explication orale pour compléter la version écrite. Loin d’opposer simplement des juridictions, plus ou moins engorgées, ou des praticiens, plus ou moins assidus, les chercheurs mettent en lumière l’arbitrage pragmatique que nombres de juges font entre les affaires où, lorsqu’elles sont plus complexes et disputées, la motivation s’avère plus nécessaire. Mais dans tous les cas, le manque de moyens et de temps, constitue l’obstacle majeur, auquel s’ajoute l’insuffisance des informations qualitatives pertinentes pour pouvoir individualiser la peine. La recherche conduite par Anne Ponseille, Marc Touillier, Pierre-Yves Gadhoun et Raphaële Parizot, montre que le décalage entre les objectifs et les résultats de la réforme ne repose pas sur le principe même de la motivation auquel les acteurs de la justice adhèrent mais sur les difficultés pratiques qu’ils rencontrent pour l’appliquer et surtout sur les contre-effets générés par la standardisation à laquelle les professionnels sont conduits, « corsetant » leur pouvoir d’appréciation au lieu de l’enrichir. Émises par des praticiens ou résultant de leurs recherches, les deux équipes avancent chacune des propositions, qui sont synthétisées dans ce numéro, pour améliorer la qualité de cette exigence nouvelle, à la fois explicative et justificative.
Voir les recherches n° 18.26 « La motivation des peines correctionnelles »
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