Les transformations de l’administration de la preuve pénale : approches et perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, Etats-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni

Auteur•rice•s

Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, Haritimi MATSOPOULOU

Publication

2003

La volonté de transcrire toute la dynamique des questions posées par l’étude « des transformations de l’administration de la preuve pénale » justifie les choix opérés tant à l’égard des perspectives comparatives que des sujets traités.

A l’égard des perspectives comparatives, le choix des pays répond, en effet, à l’hypothèse que les transformations de la preuve transcendent les systèmes traditionnels de procédure pénale. En Europe, ont donc été retenus le Royaume-Uni, représentant de la tradition de common law, et, au sein des pays continentaux, des pays (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Portugal) qui illustrent, chacun à sa manière, un modèle plus ou moins inquisitoire, ou plus ou moins contradictoire. Mais l’hypothèse était également que ces transformations transcendent les frontières européennes, comme le montrent les mécanismes de preuve mis en place devant les juridictions internationales que sont les Tribunaux pénaux internationaux et la Cour pénale internationale, ce qui a conduit à englober dans la comparaison les États-Unis et le Canada.

A l’égard des sujets traités, le choix n’a pas été fait d’une étude globale du droit de la preuve, étude déjà largement menée, mais de la sélection de thèmes qui, au regard de l’idée de transformations, pouvaient s’avérer pertinents.

Répondant à cette préoccupation, la présente recherche s’ordonne donc autour de deux axes. Le premier, intitulé «Principes généraux et transformations du droit de la preuve», regroupe les cinq premiers thèmes. Le second, intitulé «Modalités de la preuve et transformations dans le recueil et l’administration de la preuve», regroupe les cinq derniers thèmes.

Ces thèmes, sans doute à première vue hétéroclites, s’induisaient de la problématique même de l’appel d’offres. En l’articulant autour de trois questions – «De nouveaux standards d’administration de la preuve ?», «Vers une objectivation du mode d’administration de la preuve ?», «Une redéfinition des objectifs et des modalités de l’enquête ?» – les rédacteurs de cet appel incitaient les chercheurs à travailler sur des mutations précises du droit au regard d’une part des principes généraux qui gouvernent la preuve, d’autre part des évolutions technologiques qui modifient tant certains types de délinquance que les modes de travail dans la recherche des preuves.

Philosophiquement, les objectifs de la procédure pénale – vérité, légitimité, efficacité – au service desquels est mise la preuve se révèlent en tension interne, la légitimité pouvant cantonner la recherche de vérité et d’efficacité, ou l’inverse ; l’efficacité pouvant tendre à l’objectivation de la vérité, ou à sa défiguration, etc. Et suivant celui des objectifs qui l’emporte, le rôle des acteurs (publics, privés) et le caractère de la procédure (accusatoire, inquisitoire, contradictoire) changent. Procéduralement, la montée des standards communs du procès équitable est indéniable. Elle se marque par une constitutionnalisation et/ou conventionnalisation de plus en plus forte du droit de la preuve, par un développement des droits de la défense, du principe du contradictoire et de l’oralité, de l’égalité des armes et de la place des parties privées dans la recherche de la vérité, par les exigences de proportionnalité, d’adéquation et de loyauté des modes de recueil et d’administration des preuves. Mais cette montée n’exclut pas des tensions internes entre d’une part des principes qui sont à équilibrer entre eux, d’autre part des intérêts conflictuels qui sont à concilier : intérêts public, collectifs, privés des victimes comme des auteurs. Cet équilibre n’est pas statique mais soumis à l’influence des déplacements des objectifs du procès pénal, selon que prime légitimité, ce qui tend à donner prééminence aux règles du procès équitable, ou efficacité, ce qui tend à ne faire des règles du procès équitable qu’un simple contrepoids. Or ces mouvements et tensions, que l’on peut parfaitement identifier quant au droit de la preuve en France, se retrouvent à l’identique dans tous les pays étudiés. Semble ainsi se dessiner ce que pourraient être les fractures futures communes des procédures pénales en Europe, voire au-delà.

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Officiers de police judiciaire