Les premières applications de la composition pénale dans le ressort de la cour d’appel de Poitiers

Auteur•rice•s

André GIUDICELLI, Aurore BUREAU

Publication

2003

La composition pénale, créée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 dans l’objectif d’améliorer l’efficacité de la procédure pénale, a, par bien de ses aspects, marqué une rupture avec notre tradition juridique : tout d’abord, parce qu’elle accorde une place au consentement de l’auteur des faits délictueux ; ensuite, parce que le rôle moteur qu’elle confère au Parquet dans la mis en œuvre de la procédure constitue une forme de glissement dans la répartition des rôles entre parquetiers et magistrats du siège. Il faut d’ailleurs se rappeler que des dispositions instituant un procédé fort comparable, l’injonction pénale, avaient été jugées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel en 1995, notamment parce qu’en ne prévoyant pas l’intervention de l’autorité de jugement, elles n’offraient pas suffisamment de garanties pour la préservation des libertés individuelles.

Le législateur de 1999, s’il n’a pas eu raison de toutes les critiques adressées à ce type de mécanisme, a résolu la difficulté soulevée par le Conseil constitutionnel notamment en insérant dans la composition pénale la validation de celle-ci par un magistrat du siège. Régie par les articles 41-2 et 41-3 du Code de procédure pénale, la nouvelle procédure débute par la proposition faite par le procureur, ou son délégué, à l’auteur de certains délits ou contraventions, d’exécuter une ou plusieurs mesures prévues par la loi. L’acceptation de cette proposition par l’intéressé vaut reconnaissance des faits. L’accord intervenu est ensuite soumis pour validation à un magistrat du siège, selon les cas le président du TGI ou le juge d’instance (et maintenant le juge de proximité), une réponse positive permettant de passer à l’exécution volontaire des mesures. En cas de succès, l’action publique est alors éteinte.

Ainsi sommairement présentée, la composition pénale s’inscrit dans une évolution visant à développer, non seulement en procédure pénale mais dans toutes les procédures, des modes de régulation différents des conflits. Efficacité, rapidité et adaptabilité de la réponse organisée par la société animent ce type de procédés dit encore alternatifs. Malgré ces objectifs, l’application effective de la composition pénale a tardé : d’une part, en raison du temps qu’a pris le pouvoir réglementaire pour publier le texte nécessaire à sa mise œuvre (Décret n°2001-71) ; d’autre part, car des réserves et des réticences ont, dans le milieu judiciaire lui-même, freiné, voire bloqué, même après la publication du décret d’application, la mise en place de la procédure dans nombre de tribunaux.

Ce constat pouvait se faire à propos des juridictions situées dans le ressort de la cour d’appel de Poitiers. Lorsque cette recherche a débuté, en octobre 2002, peu de juridictions dans ce ressort avaient réellement mis en place la composition pénale. C’est ainsi que le recours à la nouvelle procédure n’était encore qu’à l’état de projet tant au TGI de Poitiers qu’au TGI Niort. Sa mise en œuvre ne faisait que débuter à Saintes et à Rochefort ; en revanche, elle remontait à plusieurs mois aux TGI de La Rochelle et de La Roche-sur-Yon puisque le parquet, dans ces juridictions, avait eu recours à la composition pénale depuis janvier 2002. Cette diversité de situations, cette cohabitation dans un même ressort d’approches et de pratiques différentes, représentait un terrain favorable pour une première évaluation. En effet, il fut possible de constituer un échantillon de sites pertinent, en distinguant à l’origine juridictions qui appliquaient la composition pénale, celles qui commençaient à l’appliquer, et celles qui ne l’appliquaient toujours pas. Partant de là, ont d’abord été explorées les raisons qui pouvaient expliquer ces approches différentes dans un même ressort de cour d’appel. Surtout, et à la suite, la recherche s’est attachée à étudier les résultats obtenus dans les différentes juridictions finalement retenues (Poitiers, Niort, La Rochelle, Rochefort, La Roche-sur-Yon), au contentieux traité et à la méthode suivie dans celles-ci, sans négliger les questions fondamentales qui sont au cœur de la nouvelle procédure, qu’il s’agisse du statut de l’action publique ou des droits des personnes impliquées. Au bout du compte, la cour d’appel de Poitiers qui, par ses caractéristiques pénales, peut être regardée comme un ressort ordinaire, permettait d’observer si la composition pénale remplissait les objectifs qui lui ont été assignés par le législateur. A cette fin, une enquête de terrain a été effectuée au sein de chacune des juridictions retenues : des entretiens auprès des divers protagonistes de la nouvelle procédure ainsi que des études statistiques ont été réalisées. De tout cela ont pu être dégagés différents enseignements qui sont présentés dans le rapport final en distinguant mise en place, mise en œuvre et mise en perspective de la composition pénale.

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Composition pénale