Notre étude a retenu la définition suivante du conflit horizontal de normes : « il y a conflit de normes, lorsque le juge est amené à l’occasion d’un litige donné qui implique deux ou plusieurs normes de même valeur, à prendre position pour l’une ou l’autre, sans qu’il ne statue sur leur validité ». L’inflation de normes et leur diversification a entraîné une multiplication des conflits. Nous avons cherché à identifier les méthodes utilisées par les juges pour déterminer la règle à appliquer. Bien sûr, les conflits pourraient être restreints par l’amélioration de la rédaction des normes mais, en dépit de techniques légistiques de plus en plus développées, ils restent fréquents. Lorsqu’une méthode de résolution des conflits futurs est fixée par le texte, de nombreuses incertitudes demeurent qui empêchent de l’appliquer systématiquement et de régler toutes les situations. Lorsque la méthode est issue d’un autre texte et qu’elle prend la forme de maximes, elle comprend de telles incertitudes que la sécurité juridique n’est pas meilleure. Il apparaît que, le plus souvent, le juge recourt à une démarche pragmatique, privilégiant généralement la conciliation, mais posant également parfois une prévalence ou refusant le conflit en affirmant l’indépendance des législations si les deux normes n’ont pas de champ commun.
Notre recherche a porté sur de nombreuses matières du droit, relevant tant du droit public que du droit privé, sur de nombreux types de normes, nationales et internationales, conventionnelles et non conventionnelles, de rang très divers, règlementaire, législatif ou constitutionnel, en France ou dans d’autres pays (Italie, Allemagne, Espagne, États-Unis, Angleterre…). Elle a étudié les différentes jurisprudences, mais s’est efforcée également d’interroger les juges pour connaître leur appréhension des conflits de normes et de leurs modes de résolution. Au vu de cette étude vaste et générale, menée par une équipe de vingt chercheurs de droit public et de droit privé, aucune méthode n’a pu être identifiée pour régler les conflits de normes en garantissant la sécurité juridique. Toutes sont empreintes d’incertitudes, derrière des apparences de rigueur plus ou moins fortes. Le juge doit trancher, faute de commettre un déni de justice, il doit donc se positionner par rapport aux deux normes en conflit, mais il ne doit pas outrepasser ses pouvoirs, ce qui oblige à réfléchir aux rôles respectifs du juge et de la norme.
Grâce aux juges et aux pouvoirs substantiels qu’ils ont accepté d’assumer, les conflits de normes peuvent être résolus. Néanmoins, notre étude nous a permis de constater des problèmes occasionnés par cette situation. D’une part, les juges n’acceptent pas toujours d’apprécier tous les éléments à prendre en compte pour régler le conflit horizontal de normes qui leur est soumis. D’autre part, leur rôle particulièrement important pour choisir la norme applicable en cas de conflit horizontal pose également un problème de sécurité juridique lié au risque d’arbitraire du juge qui décide en se fondant sur des éléments potentiellement très subjectifs. Pour maintenir le pouvoir du juge de s’adapter aux circonstances de l’espèce tout en renforçant la sécurité juridique, il conviendrait d’assurer une meilleure transparence sur les méthodes choisies et appliquées pour trancher un éventuel conflit de normes. Seraient maintenue la liberté de choix, mais renforcée la communication sur de ce choix.