Système de gestion de la qualité et décision judiciaire : applicabilité de la norme ISO 9001

Auteur•rice•s

Dominique GATUMEL, Hervé PUJOL, Renaud LACHENAL, Stéphanie NAVARRO, Vincente FORTIER

Publication

2001

Parmi les nombreuses questions que soulève aujourd’hui le service public de la Justice, l’ancien Garde des Sceaux relevait, récemment, celles qui lui paraissaient essentielles: “où et comment est évalué aujourd’hui, ce service? Quels sont les critères de qualité de la “ production judiciaire?”

La Ministre de la Justice soulignait également que “ toutes les grandes entreprises, tous les grands services ont initié une démarche de qualité de leurs prestations”; à celle-ci ne peut échapper l’institution judiciaire, avec l’ambition de la moderniser: “qui évalue, qui fait respecter le principe d’égalité, qui contrôle, et sur quels critères, la qualité du service rendu au public?”

Un tel vocabulaire – critères, contrôle, évaluation de la qualité – est emprunté au monde industriel et commercial qui, depuis plusieurs années, fait de la démarche qualité un nouvel outil de compétitivité. Enjeu stratégique et récompense suprême pour l’entreprise, la certification est l’aboutissement de cette démarche qualité. Elle est le signe visible, extérieur que l’entreprise propose des produits ou des services de qualité, qu’elle a su mettre en place un système d’assurance de la qualité conforme aux exigences des normes ISO.

Il semble alors que l’on soit ici bien loin des préoccupations qui animent le monde judiciaire. Nul problème de concurrence, nulle préoccupation mercantile mais le souci de satisfaire un justiciable dont “l’appétence de justice” déborde aujourd’hui largement les tribunaux.

Tout débat sur la Justice dénonce les difficultés matérielles de l’institution, le manque cruel de moyens, l’insuffisance de personnel: autant de difficultés d’intendance, à l’origine de l’insatisfaction du citoyen exaspéré par la longueur des procès et perdant confiance en la Justice. Dans l’analyse des exigences du citoyen face à l’institution judiciaire, le quantitatif devient le critère cardinal: l’augmentation de la productivité des juridictions est la solution privilégiée pour résoudre les problèmes. Il semble alors que les juridictions ne doivent être évaluées qu’au regard de leur capacité à résorber et maîtriser les flux de contentieux. Dès lors, améliorer la qualité de la justice passe par une augmentation des rendements afin notamment de raccourcir les délais pour obtenir une décision de justice. Cela n’est pas sans danger pour l’institution qui tend à substituer à la hiérarchie judiciaire traditionnelle (contrôle exercé par la juridiction supérieure sur la décision de la juridiction inférieure) une autre hiérarchie, administrative, interne à chaque juridiction: “aujourd’hui, le juge est moins comptable de la qualité de ses jugements devant la Cour d’appel que de leur quantité devant son propre président, le conseiller à la cour d’appel, de la qualité de ses arrêts devant la Cour de cassation que de leur quantité devant son premier président.”

La réforme de la justice civile, mise en place par le décret du 28 décembre 1998, participe pleinement de cette volonté de rendre la justice plus rapide pour satisfaire le justiciable. Mais là encore, certains commentateurs de la loi ne manquent pas de relever que cette réforme “n’est pas sans dangers potentiels pour la qualité de la justice qui sera rendue dans ces conditions nouvelles”. Toute mesure nouvelle tendant à faciliter et à accélérer le travail du juge est accueillie avec, à tout le moins, scepticisme et réserve par les magistrats eux-mêmes, par la doctrine et, parfois, avec une certaine humeur, par les avocats.

Productivité accrue et qualité de la production judiciaire seraient-elles alors irréductiblement opposées? Le souci du rendement reléguerait-il au second plan, par une sorte de fatalité, toute préoccupation d’ordre qualitatif dans la décision judiciaire? Et quelle est, d’abord, cette qualité attendue de la décision judiciaire? Quelle voie, ensuite, suggérer pour satisfaire à l’exigence de qualité? Ainsi définie dans sa problématique (I) et ses objectifs (II), la recherche accomplie suit une méthodologie rigoureuse (III) dont les principaux résultats et le déroulement sont exposés en dernière partie de cette note de synthèse (IV).

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Qualité de la justice