Politiques législatives et pratiques judiciaires du statut personnel : la référence à l’ordre public comme standard de régulation et révélateur de conflits de valeurs dans la relation avec trois pays arabo-musulmans

Auteur•rice•s

Baudouin DUPRET, Nathalie BERNARD-MAUGIRON

Publication

2010

OBJECTIFS

Procéder à une étude comparée de la législation et de la jurisprudence au nord et au sud de la Méditerranée pour déterminer les cas où l’exception d’ordre public s’oppose à la création d’un droit ou à l’effet dans l’un de ces pays d’un droit acquis à l’étranger.

MÉTHODOLOGIE

Étude du droit de la famille par le biais de la législation et de la jurisprudence dans des affaires de droit international privé de la famille, dans 3 pays du nord (Belgique, Espagne, France) et 3 pays du sud (Égypte, Maroc, Tunisie) de la Méditerranée. Mise en évidence de la diversité des législations et de la jurisprudence relatives au droit interne de la famille dans les pays du sud de la Méditerranée. Insistance sur la dimension empirique du travail de recherche. Réflexion sur l’attitude du juge face aux normes et décisions de justice d’origine étrangère.

PRINCIPAUX RÉSULTATS

Alors que les pays du nord de la Méditerranée tendent à adopter le rattachement au domicile, au sud de la Méditerranée la nationalité et la religion, souvent élevées au rang de privilège, gardent toujours les faveurs du législateur et du juge (sauf en Tunisie). Le droit étranger est presque toujours écarté au profit du droit national et l’exception d’ordre public ne trouve guère à s’appliquer que dans les cas d’exequatur. Les pays du nord de la Méditerranée partagent un grand nombre de valeurs communes et adoptent un contenu relativement homogène de la notion d’ordre public. Au sud de la Méditerranée, l’ordre public reste à connotation religieuse au Maroc et en Égypte. En Tunisie, l’exception d’ordre public a été invoquée face à des institutions d’origine musulmane, comme la polygamie et la répudiation. L’application trop rigide de la notion d’ordre public pour rejeter des institutions étrangères, jugées à tort ou à raison contraires aux droits fondamentaux, risque de mener à des résultats doublement préjudiciables pour la femme, que de telles mesures visaient pourtant à protéger. Le juge européen cherche très souvent à écarter l’application du droit étranger, pour éviter une recherche fastidieuse et souvent infructueuse des dispositions juridiques des pays arabes. Du fait de l’intégration, tant par la résidence que par la nationalité, de nouvelles générations d’immigrés musulmans ou en raison de conversions à l’islam, la condition juridique des musulmans ne relève plus seulement du droit international privé et du statut des étrangers, mais doit être réfléchie également dans un contexte d’absence d’extranéité étatique. Il est donc nécessaire d’imaginer les repositionnements de l’ordre public face à un « islam européen ».

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Famille et diversité culturelle