Cette recherche vise à rendre compte de l’émergence et de l’institutionnalisation d’un espace judiciaire pénal européen à travers l’étude de différents acteurs, principalement des magistrats et des fonctionnaires, engagés dans la lutte contre la « criminalité organisée ». Dans les années 1990 en effet, la constitution d’un espace judiciaire pénal européen est considérée comme la réponse, unique et nécessaire, au développement de la « criminalité organisée » en Europe qui serait la conséquence inéluctable de l’ouverture des frontières. Si plusieurs acteurs s’engagent alors, au nom de cette lutte contre la « criminalité organisée », pour la création d’un espace judiciaire pénal européen, tous ne s’accordent pas sur la forme et le contenu qu’il doit revêtir. Ce qui émerge comme « espace judiciaire pénal » résulte de ces concurrences entre acteurs, des représentations qu’ils ont du crime et des moyens de lutter contre, ainsi que du rôle qu’ils entendent jouer dans le fonctionnement de cette Europe politique en tant que fonctionnaires européens ou professionnels de la justice. Dans une perspective de science politique, l’objectif n’a donc pas tant consisté à analyser les normes et les décisions qui participent à l’émergence d’un droit pénal européen ou d’une coopération judiciaire qu’à mettre au jour les conditions dans lesquelles ces normes et ces instruments d’action publiques ont été élaborées.
L’enquête s’est concentrée sur trois séries d’événements qui, tout en suivant un déroulement relativement autonome, sur des scènes distinctes bien qu’en interaction, ont contribué à définir et à faire exister, dans les représentations et les institutions un espace pénal judiciaire européen. Elle s’appuie certes sur la collecte et l’analyse de documents (souvent disponibles mais parfois difficiles d’accès et éventuellement confidentiels) mais surtout sur le recueil d’une trentaine d’entretiens effectués auprès des acteurs ayant participé à ces événements entre le milieu des années 1990 et 2001, date où, suite aux attentats du 11 septembre, la référence à la « criminalité organisée » dans l’élaboration d’actions publiques européennes en matière de sécurité et de justice s’efface au profit de la lutte contre le terrorisme.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème :