L’utilisation des caractéristiques génétiques dans les procédures judiciaires: étude de dix années de pratiques en Meurthe-et-Moselle (2003-2013)

Auteur•rice•s

Bruno PY

Publication

2017

Cette recherche repose sur un travail pluridisciplinaire de recherche théorique et empirique sur le recours au recueil et à l’exploitation de l’ADN humain à tous les stades de la procédure pénale sur le territoire meurthe-et-mosellan de 2003 à 2013. Les analyses juridiques s’appuient sur 2439 décisions de Justice sélectionnées et sur près de 20 entretiens conduits auprès d’acteurs différents de la procédure pénale. L’intérêt d’une telle recherche réside dans l’obtention de résultats chiffrés reflétant la réalité du terrain, afin de déterminer l’utilité réelle des caractéristiques génétiques en procédure pénale et les difficultés susceptibles d’en limiter l’efficacité.

Le rapport produit divise ses résultats en plusieurs parties. Sont présentées successivement la procédure de recueil et d’exploitation (1), la place de la preuve ADN dans les procédures pénales (2), le fichage de l’empreinte génétique (3) et la perception de la preuve ADN dans la société (4).

Pour l’ensemble du corpus criminel comprenant 82 affaires, l’ADN n’a été exclusivement déterminant que pour deux affaires (soit 2,4 %). Au total, matières correctionnelle et criminelle confondues, l’empreinte génétique a été le seul élément à l’origine de l’identification dans seulement 13 affaires (sur un total de 2439 décisions, soit une utilité de l’ADN en matière d’identification de 0,5 %). Globalement, l’utilisation des empreintes génétiques est, à elle seule, peu décisive, que ce soit au stade de l’enquête ou du jugement. Mais elle s’avère parfois déterminante, ce qui explique la perception extrêmement positive dont elle bénéficie. C’est cette confiance, presque aveugle, en ce moyen d’enquête qui semble justifier la volonté de ficher massivement, potentiellement tous les individus. Mais une telle orientation pose à la fois des difficultés techniques et juridiques (protection des libertés fondamentales) en plus de représenter un poids économique non négligeable dans les frais de justice. L’ADN doit alors être démystifié : bien qu’il soit parfois un très bon outil mis à disposition des services d’enquêtes pour identifier une victime et/ou l’auteur d’une infraction, dans la plupart des hypothèses, il n’est pas la reine des preuves et d’autres indices doivent nécessairement être recherchés et collectés. Le recours aux caractéristiques génétiques doit demeurer strictement encadré pour éviter toute réification des personnes, d’autant que l’ADN n’est, finalement, qu’un moyen de preuve parmi les autres.