Les recherches présentées dans ce numéro portent sur les dispositifs judiciaires mis en place depuis le Grenelle des violences conjugales de 2019. Elles adoptent toutes les deux une approche ethnographique et localisée permettant de s’approcher au plus près des pratiques des magistrat.es ainsi que des autres acteurs et actrices mobilisés : forces de l’ordre, associations, médecins, administrations, etc. Elles se distinguent l’une de l’autre par le prisme territorial et la sélection des juridictions étudiées et, en partie de ce fait, par leurs observations et leurs conclusions.
La première recherche, conduite sous la direction de Marie Cartier, Estelle d’Halluin, Sylvie Grunvald, Pascale Moulévrier, Julie Pourriot et Nicolas Rafin, a permis d’analyser l’articulation des politiques publiques au sein d’un département de l’Ouest de la France qui s’est investi activement dans la lutte contre les violences conjugales, se dotant de partenariats et dispositifs spécifiques. En dépit de la variété des outils conceptuels utilisés par chaque partenaire, qui a longtemps nourrit des désaccords entre les milieux féministes, du social, de la police et de la justice, l’étude montre comment émerge localement, avec la multiplication des instances de coordination, une véritable « culture interprofessionnelle » qui renouvelle les problématiques en discussion, fait évoluer les pratiques parfois plus vite que leur formalisation, et se diffuse jusqu’au tribunal en y modifiant la place accordée aux victimes ainsi que les discours et les réponses apportées par les magistrat.es.
La seconde recherche, conduite sous la direction de Charlotte Fischer et Jérôme Courduriès, s’est penchée, elle, sur la situation de plusieurs juridictions de taille et de zone géographique différente. Elle met en lumière les obstacles qui demeurent sur le plan bureaucratique et parfois local dans la communication et le partage des dossiers. Elle pointe aussi la tension entre le caractère massif du contentieux et la nécessité d’une spécialisation plus forte par rapport aux besoins des victimes et à la connaissance des dispositifs protecteurs les plus appropriés. Elle montre enfin que le contexte familial et social devrait être davantage pris en compte pour permettre une prise en charge de toutes les formes de violences subies par ces femmes à partir d’une vision plus globale des inégalités de genre dans la société.
De ces deux études, au final plus complémentaires que contradictoires, il ressort donc à la fois les progrès réalisés ces dernières années dans l’institutionnalisation et la massification de la lutte contre les violences conjugales et tout ce qu’il reste néanmoins encore à accomplir pour mieux répondre à l’ampleur et à la réalité de ce contentieux.
Voir la recherche 20.25 ALTVIC : Approche Localisée du Traitement des Violences Conjugales
et la recherche 19.18 Les violences gynécologiques et obstétricales saisies par le droit