Les violences gynécologiques et obstétricales saisies par le droit

Auteur•rice•s

Anne SIMON, Elsa SUPIOT

Publication

Déc. 2023

L’année 2018 a été marquée par la dénonciation, parfois virulente, de pratiques qualifiées de “violences gynécologiques et obstétricales”. Sous ce dénominatif se retrouve une grande variété d’actes et de comportements, regroupant tant des attitudes ou propos considérés comme déplacés par certaines patientes que des actes graves attentatoires à l’intégrité physique des personnes. Cette recherche constitue une étude juridique approfondie du droit susceptible d’être mobilisé dans ce champ. Elle permet de recenser, de catégoriser des situations dénoncées au titre des « violences gynécologiques et obstétricales » et de les qualifier juridiquement pour contribuer à assurer tant le respect des droits des patients que la promotion de bonnes pratiques professionnelles. La recherche met en lumière une analyse croisée des différentes branches du droit applicables en ce domaine et en particulier le droit civil, le droit administratif, le droit pénal et le droit disciplinaire. La recherche intègre également l’ensemble de la jurisprudence – ordinale et étatique – qui précise les conditions d’application des différentes sanctions des « violences gynécologiques et obstétricales » par le droit. Elle est, de plus, enrichie par l’implication de tous les acteurs concernés. La parole des patientes a été prise en compte par l’intégration de témoignages recueillis dans le cadre d’entretiens, ou auprès d’associations de soutien aux victimes, mais également par le recensement de plaintes formulées dans des courriers adressés à plusieurs services juridiques de maternités. Quant à celle des professionnels de santé concernés, elle a été prise en compte à chaque étape de la construction de la recherche, par le recours à leurs témoignages dans les vidéos des « grands témoins », par des entretiens individuels mais aussi et surtout par la participation de représentants des professions concernées à chacune de nos réunions de travail. Aussi, cette recherche permet l’élaboration d’un cadre juridique rigoureux, nourri de la réalité des conditions concrètes de prise en charge des patientes. Notre analyse juridique révèle deux dimensions distinctes dans les liens qui unissent droit et « violences gynécologiques et obstétricales ». Le droit est d’abord apparu comme un outil de prévention qui, malheureusement, est encore souvent trop mal connu ou mal compris. A ce droit outil de prévention vient correspondre, quasiment en miroir, le droit comme instrument de sanction dont la recherche a pu constater simultanément la pertinence et les limites. Cet état des lieux du droit positif applicable en matière de « violences gynécologiques et obstétricales » ouvre des perspectives à la fois en termes de renforcement de l’autonomie des patientes et de libre choix du praticien, pour une meilleure prévention des actes et des situations dénoncées, mais aussi en termes de renouvellement des sanctions. En effet, si des mécanismes juridiques bien établis existent pour appréhender et sanctionner certaines fautes des professionnels de santé, ils sont souvent mal connus et des obstacles procéduraux sont susceptibles de limiter leur mobilisation.

English version. Résumé en anglais

In 2018, a significant movement of public denunciation of gynaecological and obstetrical violence has emerged. Behind the words “gynaecological and obstetrical violence”, a great variety of acts and attitudes toward women are criticised, ranging from inappropriate speeches to physical assault. This research
offers a legal study of the law likely to be mobilized in this field. It makes it possible to identify and categorize situations denounced as “gynecological and obstetrical violence” and to qualify them legally to help to secure patients’ rights as well as good professional practices. The research highlights a cross-analysis of the different branches of law applicable in this field and in particular civil law, administrative law, criminal law and disciplinary law. The research also integrates case law – through the study of courts’ decisions and disciplinary sanctions – which specifies the conditions for the application of various sanctions for “gynecological and obstetrical violence” by law. In addition, the research decided to involve all actors concerned. Patients’ voices were taken into account by integrating testimonies collected in the context of interviews, or from victim support associations, but also by listing complaints made in letters sent to several legal departments in maternities. The points of view of doctors and midwives concerned were taken into account at each stage of this research construction, by the use of their testimonies in the videos of the « key witnesses », by individual interviews but also and above all by the participation of representatives of the professions concerned in every work meeting. Thus, this research offers a rigorous legal framework, nourished by the reality of concrete conditions of medical care. About our results, this legal analysis reveals two distinct dimensions of the links that unite law and “gynecological and obstetrical violence”. The law first appeared as a preventive tool which, unfortunately, is still often unknown or misunderstood. To the law seen as a tool of prevention, corresponds, almost in mirror form, to the law as an instrument of sanction, from which limits were observed in the research. This inventory of the law applicable to « gynecological and obstetrical violence » opens up prospects both in terms of strengthening the autonomy of patients and the free choice of the practitioner, for better prevention of reported situations of violence but also in terms of renewing sanctions. Indeed, if legal mechanisms exist to apprehend and sanction certain faults of health professionals, they are often unknown and procedural obstacles are likely to limit their application