Longtemps, la tradition française fut de reconnaître des droits et libertés au profit des individus sans pour autant que les pouvoirs publics s’impliquent dans les conditions de leur accessibilité et de leur utilisation. En d’autres termes, l’individu dont il est question est davantage perçu comme un sujet abstrait de droit que comme une personne susceptible de mobiliser des prérogatives face à l’autorité publique, et éventuellement face au juge. C’est l’avènement et la multiplication des droits subjectifs qui posent la question, non seulement de leur revendication, mais également de leur accessibilité et donc de leur effectivité.
Sous l’influence déterminante de la Convention et de la Cour Européenne des droits de l’homme, le législateur français va enfin se préoccuper de définir un cadre juridique plus adapté (lois du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, auxquelles il faut ajouter la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998). L’ensemble de ces textes affirme que l’accès au droit est indissociable de l’accès aux droits dans la mesure où c’est à la fois le citoyen et la personne humaine qui sont concernés. Devenu un «droit fondamental qui participe d’une vision citoyenne de la justice», l’accès au droit confère une double responsabilité aux États de droit contemporains : non seulement les lois produites doivent être intelligibles (le Conseil Constitutionnel a, dans ce sens, défini un «objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi»), mais elles doivent également faire connaître aux individus les moyens permettant de concrétiser les prérogatives juridiques qui leur sont reconnues. Le citoyen dont il est question n’est ainsi plus seulement le simple titulaire passif de droits, c’est aussi un citoyen-acteur susceptible de faire valoir l’effectivité de ses droits.
C’est dans cette perspective que nous avons cherché à appréhender la question de l’accès à l’asile pour ces exclus de la citoyenneté que sont les demandeurs d’asile.
La particularité de notre approche est de combiner un double regard, juridique et socio-anthropologique, aussi bien sur la question de l’asile elle-même que l’on ne saurait réduire ni à des procédures étroitement juridiques ni à des prétentions purement humanitaires que sur les activités associatives qui ne sauraient être analysées indépendamment des données politico-juridiques actuelles, et notamment d’une actualité communautaire (Union Européenne) en pleine effervescence. Chacune des dimensions qui structurent notre rapport de recherche a ainsi été l’objet de cette convergence d’approche.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Accès au(x) droit(s), accès à la justice