L’action éducative en milieu ouvert (AEMO). Comprendre les places prises par les acteurs familiaux et professionnels dans l’élaboration des projets d’accompagnement

Auteur•rice•s

Annick MADEC, Alain PENVEN, Emilie POTIN

Publication

2013

Recherche réalisée par Émilie Potin, co-direction scientifique de Annick Madec et Alain Penven. Avec le soutien de la Mission de recherche Droit et Justice, du Conseil Général du Finistère (Observatoire départemental de la protection de l’enfance en Finistère) et du DEMOS – ADSEA 29.

Jusqu’à la loi du 5 mars 2007 réformant la Protection de l’enfance, la Justice intervenait au nom du danger (1) pour l’enfant alors que l’intervention administrative concernait les enfants en risque de danger. Ces mandats ont évolué et aujourd’hui l’intervention judiciaire, en plus de la caractérisation du danger pour l’enfant, est soumise à certaines conditions et devient, dans les textes, l’exception après l’expertise administrative (2). La distinction entre ces deux types de prises en charge réside dans l’acceptation par la famille de la mesure. Les situations bénéficiant de mesures judiciaires pourraient donc être perçues comme plus difficiles et/ou les acteurs familiaux comme moins coopérants. Dès lors, on peut s’interroger sur les nouvelles dispositions (2002-2 et 2007-308) concernant la participation des usagers dans le champ de l’action sociale en général et de la Protection de l’enfance en particulier. Si nous avions initialement posé comme paradoxale la participation demandée aux acteurs familiaux dans un cadre judiciaire imposé, le travail de terrain a permis finalement de nuancer ce paradoxe tant les formes que peuvent prendre la mesure judiciaire invitent à relativiser l’imposition et le caractère contraignant de la mesure. Les travailleurs sociaux créent dans l’espace de la mesure un espace tiers et se font médiateurs au sein de la famille ; entre les différents intervenants et les acteurs familiaux. Artisans de la participation (Carrel, 2006), en étant à proximité du quotidien des familles, ils créent un espace d’interconnaissance et de frottement propice à situer les différents acteurs, au-delà du cadre strict de la mesure, comme sujets en énonçant droits et responsabilités, en accompagnant des projets favorables à des formes d’autonomie dans l’entité familiale et en dehors, dans le monde social. Cette recherche montre combien les pratiques de l’AEMO confirment le passage d’une logique d’intervention à une logique d’accompagnement (Astier, 2007) qui cherche à responsabiliser (Soulet, 2005) les acteurs familiaux dans leurs rôles respectifs à partir d’une dynamique qui va d’une décision négociée (Milburn, 2004) à un engagement dans la mesure. Les formes prises par les mesures d’AEMO en réclamant la participation des acteurs familiaux viennent directement interroger le rapport entre droit à la protection et devoir de participation. Tendanciellement, il apparaît que le droit de chacun des parents ou du jeune lui-même de ne pas participer à la mesure fait perdre le droit à la protection, alors qu’accomplir le devoir de participer engendre le droit à la protection. Le rapport protection/participation ne peut être lu exclusivement dans la mesure d’AEMO. La protection vise au-delà du déroulement de la mesure à soutenir les acteurs familiaux et à les situer comme sujets responsables dans tous les espaces de participation à la vie sociale et citoyenne.

(1) « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées […] ». Art. 375-1 du Code Civil
(2) La transmission à la justice n’est plus exclusivement liée au fait que le mineur est en danger au sens de l’art. 375 du code civil. En plus de cette condition, la situation du mineur doit être caractérisée par un des éléments mentionnés par l’article L226-4 du CASF.