La mise en œuvre de la libération sous contrainte dans le Nord-Est de la France

Auteur•rice•s

Martine HERZOG-EVANS

Publication

2017

Cette recherche portait sur la procédure de libération sous contrainte (LSC) de l’article 720 du C. pr. pén. créée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014. L’article 720 représentait la troisième tentative de création d’une procédure écartant le débat contradictoire (DC) en pensant ainsi favoriser le prononcé d’aménagements de peine. Les deux précédentes avaient échoué sur ce point.

La méthodologie des chercheurs a été «grounded in theory», mais «réaliste», soit élaborée empiriquement dans le cadre de théories éprouvées et visant, de manière ultime, à proposer une nouvelle théorie.

Ils ont ainsi proposé une théorie cadre permettant de lier l’ensemble des théories pertinentes. Celles-ci ont emprunté au droit, à la criminologie, aux sciences politiques et sociologiques, à la psychologie, voire parfois à l’économie, à la philosophie ou à la médecine. L’étude a commencé par une analyse juridique de la LSC : procédure et non mesure. Sur le plan empirique, elle a consisté en deux années et demie d’observation des audiences contradictoires (DC) et commissions de l’application des peines (CAP)-LSC, et d’entretiens avec les praticiens et avec des personnes condamnées en sortie de CAP-LSC.

Ce travail a été réalisé par Martine Herzog-Evans et vingt-deux étudiants de Master ainsi que d’un doctorant tous formés aux protocoles établis et monitorés. Un travail d’analyse des rapports de CPIP et des jugements et ordonnances de JAP a également été conduit. Une première question a porté sur la réussite ou, au contraire, de l’échec de la mise en œuvre de la procédure de LSC et notamment en nombre d’aménagements de peine.

L’analyse des données a été menée grâce aux théories de l’implémentation et celles relatives à la diffusion de l’innovation. L’ensemble des critères mis en lumière par ces théories a permis de comprendre pourquoi la LSC ne pouvait que constituer un échec, ce que les données locales, ainsi que les données nationales (Delbos, 2016) ont confirmé.

L’équipe a en deuxième lieu, observé les situations procédurales (DC, CAP-LSC avec et sans comparution) à l’aune du paradigme LJ-PJ-TJ (légitimité de la justice, justice procédurale, jurisprudence «thérapeutique»), mais aussi des théories de la compliance et de l’autonomie. L’analyse sur ce point a hélas confirmé que les situations de LSC sans comparution et, à un moindre degré, avec comparution offraient un contexte violant fortement – la personnalité du JAP pouvant réduire l’impact nocébo – les principes d’une justice respectueuse et légitime. Les entretiens avec les condamnés ont confirmé la colère qu’ils pouvaient en ressentir. La littérature empirique LJ-PJ-TJ nous enseigne que, plus gravement, la conséquence risque d’en être une très faible compliance, voire une résistance ainsi que de la récidive.

La conclusion sur ce point est que le respect procédural est une arme criminologique qu’il est dangereux d’écarter. Enfin, l’équipe s’est interrogée sur la question à la fois théorique et pratique de l’accompagnement des sortants de détention et a questionné le choix d’aménagements de peine obtenus de manière rapide et sans exigence substantielle. Le législateur en pensant «simplifier» les procédures a confondu emballage juridique et contenu : on ne peut faire l’économie d’une préparation de la sortie et d’un projet viable pour les justiciables et pour la société, ni d’un traitement criminologique adapté; c’est au demeurant le sens des recommandations de l’ONU.

Tant les praticiens qui donnent leur avis, que les JAP qui se prononcent, que les condamnés ainsi non accompagnés, rejettent en majorité des processus dénués de contenu. Au surplus, le temps de CPIP serait mieux utilisé à préparer de manière substantielle des projets de sortie plutôt qu’à produire des écrits de manière industrielle. Le cœur, de leur métier devrait être le traitement criminologique et multi-partenarial et la transition qualitative avec le monde libre.

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Le suivi post-sentenciel: limites et perspectives. La mise en oeuvre de la libération sous contrainte