La judiciarisation des grandes catastrophes. Approche comparée du recours à la justice pour la gestion des grandes catastrophes (de type accidents aériens ou ferroviaires)

Auteur•rice•s

Caroline LACROIX, Marie-France STEINLE-FEUERBACH

Publication

2014

En France, la survenance d’un accident aérien, maritime ou ferroviaire conduit à la saisine de la justice pénale et donne lieu à un procès à forte résonance dans l’opinion publique et dans les médias. Ce processus de pénalisation des grandes catastrophes n’est pas sans soulever des interrogations voire des oppositions. Quelle doit être la place de la justice répressive particulièrement en cas de grandes catastrophes et plus précisément lorsque celles-ci concernent les accidents ferroviaires ou aériens ? Tel est l’objet de l’étude menée par le CERDACC avec le soutien du GIP Mission de recherche Droit & Justice : comprendre et analyser la « tendance à la judiciarisation pénale ».

Dans une première partie, les auteurs ont souhaité dresser un état des lieux du phénomène tant en France qu’à l’étranger. L’analyse montre que l’intervention pénale fait partie intégrante de la réponse sociale en cas de catastrophe. Si la pratique française oscille entre déjudiciarisation civile et judiciarisation pénale, l’étude des législations et des pratiques au sein des pays membres de l’Union européenne montre que la plupart des grands accidents de transport ou industriels se jouent sur la scène pénale dans toutes ses déclinaisons et facettes. Un récapitulatif des principales caractéristiques du traitement des accidents collectifs chez certains de nos proches voisins européens prenant appui sur une ou deux catastrophes topiques récentes pour chacun d’eux illustre cette analyse.

Au delà,afin d’apprécier au mieux les enjeux du débat sur la judiciarisation pénale des accidents de transport collectif, l’impact du droit européen a été étudié à partir de la législation de l’Union européenne et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.

La deuxième partie de la recherche vise à présenter les enjeux auxquels la justice pénale française est confrontée dans de telles hypothèses. Avec la volonté d’avoir une approche pragmatique du traitement judiciaire in concreto, les auteurs ont décidé à titre exploratoire d’élaborer une grille d’analyse des dossiers de catastrophes. Les enseignements du dépouillement de ces grilles et dossiers de catastrophes conduisent à s’interroger sur la manière dont se déroulent les suites d’un accident collectif. La comparaison met en évidence les formes des enquêtes conduites in concreto, leurs cumuls, les délais dans lesquels elles sont diligentées, ainsi que leur utilisation éventuelle par les parties prenantes dans leurs plaidoiries respectives. Ce travail permet de proposer un regard comparatif du traitement de la catastrophe ab initio, de se poser la question de l’efficacité de l’enquête pénale, notamment en termes de délais, de recours et d’identifier les nombreux enjeux auxquels est confrontée la justice pénale en matière d’accidents collectifs. Une étude qualitative et sociologique visant à mieux cerner les contours et les enjeux de l’impact de la procédure judiciaire lors d’accidents collectifs de transport pour les victimes vient compléter l’analyse.

Enfin, une troisième partie laisse la parole libre sur la question de la judiciarisation des grandes catastrophes aux acteurs de ces dernières. En confrontant les différents point de vue elle complète l’analyse par des regards extérieurs.

Sur la base de l’ensemble des développements menés, les auteurs abordent les pistes de réflexions et les propositions relatives à la judiciarisation pénale des grandes catastrophes dans la quatrième et dernière partie.