Compte tenu des enjeux de société liés au phénomène de « judiciarisation », l’Institut droit et santé (IDS) a souhaité contribuer au débat actuel et analyser plus spécifiquement le phénomène de judiciarisation de la santé. La recherche menée présente des statistiques globales et objectives. Pour cette raison, elle a été réalisée à partir de l’analyse des décisions de justice recueillies auprès des juridictions administratives, des cours d’appel et de la Cour de cassation, des données globales relatives à l’activité des TGI transmises par le Ministère de la justice, des juridictions disciplinaires (médecins et chirurgiens-dentistes). L’analyse de l’activité des juridictions en matière de responsabilité des professionnels de santé a été couplée à l’analyse des données de l’ONIAM, des assureurs des professionnels et établissements de santé (Sou médical-Groupe MACSF, SHAM), de l’AP-HP et du Médiateur de la République. La période de référence choisie, et qui s’étend sur la décennie 1999-2009, permet de disposer de données récentes et vise à qualifier les évolutions respectives des pressions conflictuelles et juridictionnelles, en mesurant l’impact des dispositions issues de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Dans une première partie, les auteurs ont souhaité dresser un état des lieux statistique des litiges liés aux activités des professionnels de santé. La recherche a porté sur l’analyse du nombre de requêtes déposées auprès des juridictions, du nombre de décisions rendues et du nombre de condamnations prononcées. Pour le contentieux des tribunaux administratifs et des TGI, ces données ont pu être rapprochées des évolutions de l’activité de soins, en prenant comme indicateur le nombre d’admissions en établissement public ou privé et le nombre d’actes de soins de ville. A ce titre, des taux ont été établis, en mettant en rapport avec les données contentieuses le nombre global d’admissions/actes puis en affinant l’analyse par activité médicale. La recherche a également porté sur les évolutions du contentieux pénal et disciplinaire des médecins et chirurgiens-dentistes. Parallèlement, l’analyse a été menée sur le nombre de demandes d’indemnisation adressées aux CRCI, instaurées par la loi du 4 mars 2002. Aux fins de dresser un état des lieux des rapports entre procédure amiable et procédure juridictionnelle, le nombre de demandes en réparation adressées aux CRCI a été mis en perspective avec le nombre de requêtes juridictionnelles. L’analyse apporte également un éclairage sur les spécialités/activités les plus exposées, les causes de dommages, et le montant indemnitaire alloué. Une étude comparative a également été menée, d’abord par comparaison avec le nombre de règlements de litiges liés à des fautes médicales aux Etats-Unis, puis en France par comparaison avec l’exposition au risque contentieux des avocats. La deuxième partie de la recherche vise à présenter le cadre de la judiciarisation. En replaçant dans son contexte historique le phénomène de judiciarisation, le rapport permet de suivre d’une part l’évolution du droit depuis l’émergence de la responsabilité médicale en 1835 et d’autre part les changements de paradigme ayant affecté la relation de soins. Des éléments de débat sur les causes et conséquences de la judiciarisation sont discutés et des remèdes sont également évoqués. Enfin, une troisième partie présente des regards variés sur le phénomène de judiciarisation. Les contributions proposées permettent de compléter le tableau de l’analyse du cadre au sein duquel s’épanouit, si ce n’est le phénomène, à tout le moins le débat sur la judiciarisation. L’intervention de spécialistes de la matière fournit un éclairage particulièrement pertinent des enjeux dont la recherche s’est fait l’écho.