Politiques et pratiques de l’accès au droit et de ses dispositifs
Cette recherche réinscrit la problématique de la « transformation numérique des administrations » et de la dématérialisation dans une analyse plus large des « pratiques » de l’accès au droit. Elle en retrace d’abord les grandes étapes, de la logique militante des années 1970/80 à la logique institutionnelle des années 90 dans laquelle le ministère de la Justice pilote une politique partenariale qui s’appuie sur les Conseils départementaux d’accès au droit (CDAD), jusqu’à la reconfiguration actuelle autour des « points-justice » et du réseau des France services, où la faiblesse des financements alloués et le « gouvernement à distance» ( R. Epstein) de l’État fait reposer sur les réseaux associatifs nationaux la charge de conduire et de définir le contenu de l’accès au droit sur l’ensemble du territoire. L’équipe de recherche s’est penchée sur ces questions à partir d’une approche sociologique et d’une méthodologie combinant entretiens, observations et analyses statistiques et documentaires.
La recherche montre que les permanences d’accès au droit ne peuvent pas pallier la quasi disparition des guichets des services publics, sachant qu’elles reposent en grande partie sur du travail associatif bénévole et des professionnels du droit sous-rémunérés et peu reconnus. Au-delà de la pluralité des statuts des travailleur.ses des permanences, finement décrite, la sur-représentation des femmes parmi elle.ux participe de l’institutionnalisation d’un travail du care, entre engagement et « sale boulot ». Cette situation est en outre dégradée par la dématérialisation et la « médiation numérique », à la fois source d’une surcharge de travail pour les travailleur·ses du droit et d’une nouvelle segmentation, matérielle et symbolique, des usagers qui produit des « usagers de 3ème classe » (D. Memmi). L’analyse des données montre que deux catégories d’usager·ères en souffrent plus particulièrement : les femmes victimes de violence et les étrangers qui nécessiteraient une prise en charge spécifique et pour qui le service informatif et ponctuel des permanences parait insuffisant. Ainsi, les réflexions sur l’illectronisme et la fracture numérique, si elles soulèvent des enjeux importants, ne suffisent pas à penser les conséquences de la dématérialisation des services publics sur l’accès au droit. La politique de la permanence, si elle devait à terme remplacer celle du guichet et non plus la compléter, mériterait d’être interrogée du point de vue des principes fondamentaux du service public : continuité, égalité et mutabilité.