La barémisation de la justice. Une approche par l’analyse économique du droit

Auteur•rice•s

Cécile BOURREAU-DUBOIS

Publication

2019

Cette recherche a été menée par une équipe fédérant les compétences d’économistes, de juristes et de praticiens du droit, en réponse à un appel à projet lancé début 2016 par la Mission recherche Droit et Justice. Portée par deux laboratoires en économie (le BETA et le CRED), cette recherche porte principalement sur la capacité d’un barème à traiter également des justiciables placés dans des conditions similaires. Cette question est traitée selon trois approches complémentaires.

Le deuxième volet propose une analyse empirique ex ante de l’introduction d’un barème, en prenant le cas des indemnités prud’homales et en exploitant des jugements du Conseil des prud’hommes de Paris antérieurs à la mise en place du barème impératif de 2017. Ce travail de statistique descriptive met en évidence que les montants obtenus sont principalement corrélés à la section, l’âge et la présence d’un avocat (mais pas au genre). Il examine aussi les effets d’une application « fictive » du barème 2017.

Le troisième volet propose une analyse empirique ex post de l’introduction d’un barème, en prenant le cas de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (CEEE) dont la fixation est encadrée depuis la circulaire de 2010 par un barème indicatif. S’appuyant sur l’exploitation de six sources distinctes (enquête expérimentale, enquête qualitative auprès de magistrats et quatre bases de données de décisions de justice pré et post barème) et mobilisant différentes méthodologies économétriques, cette partie montre que l’effet d’homogénéisation attribué au recours au barème est assez systématiquement associé aux affaires caractérisées par un couple de propositions parentales divergentes en matière de CEEE, par un couple de revenus parentaux inégaux au profit de la mère, par un couple de revenus parentaux proches et de niveau intermédiaire ou encore par un couple de propositions parentales consensuelles et faibles. En revanche, le barème semblerait favoriser la disparité des décisions dans les affaires caractérisées par une offre de CEEE nulle ou dans les affaires caractérisées par un couple de revenus inégaux au profit du père.

Le premier propose une analyse prospective du barème, réalisée à partir de l’examen de la littérature en économie du droit portant sur les barèmes. Cette littérature, essentiellement empirique et portant principalement sur le cas américain, est plutôt critique quant à la capacité des barèmes à atteindre leurs objectifs. Ils ne garantiraient pas automatiquement plus d’équité horizontale ; ils ne favoriseraient pas forcément les accords entre les parties ; ils ne seraient pas l’assurance d’une plus grande sévérité des sanctions. L’une des raisons évoquées est que, face aux barèmes, les acteurs, et les juges en particulier, peuvent développer des attitudes différentes.