Étude comparative des indemnisations des dommages corporels devant les juridictions judiciaires administratives et l’ONIAM en matière d’accidents médicaux

Auteur•rice•s

Olivier GOUT, Philippe SOUSTELLE, Stéphanie PORCHY-SIMON

Publication

2016

Si l’impératif de réparation des dommages corporels est aujourd’hui au cœur des préoccupations du droit de la responsabilité civile, aucune étude chiffrée d’ensemble n’avait jusqu’alors été entreprise pour comparer les indemnisations obtenues devant les juridictions judiciaires et les juridictions administratives. L’intérêt de ce travail est pourtant double :
– établir, d’une part, l’existence ou non d’une disparité de pratiques des juridictions de l’ordre judiciaire et administratif dans le cadre de l’indemnisation du dommage corporel ,
– établir d’autre part l’existence ou non d’une différence de traitement des victimes afin de déterminer si l’indemnisation est réalisée dans une identique mesure selon l’ordre de juridiction saisie.
Cette recherche a été établie sur la base d’une importante étude statistique opérant une comparaison chiffrée des méthodes d’indemnisation des différents postes de préjudices devant les cours d’appel des deux ordres de juridictions pendant la période 2011-2013, en se concentrant sur le cas des victimes d’accident médicaux. Il s’agit en effet d’un champ de contentieux où, depuis la loi du 4 mars 2002, les règles de fond sont les mêmes mais où la dualité de compétence juridictionnelle a été maintenue en fonction du cadre de l’accident. Il s’agit donc de victimes du même type de fait dommageable, offrant donc un terrain idéal de comparaison entre les pratiques des deux ordres de juridictions.
Les enseignements à tirer de l’importante étude statistique menée se situent à un double niveau :
– Quant à la comparaison des pratiques. Sur la période où l’étude a été menée, les deux ordres de juridictions avaient fait le choix de l’utilisation de nomenclatures différentes puisque l’ordre administratif est resté fidèle à l’avis Lagier alors que le juge judiciaire utilisait dans le même temps très largement la nomenclature Dintilhac. Un des premiers apports de cette étude est d’ailleurs de démontrer à quel point cette dernière est utilisée au sein des Cours d’appel puisque la ventilation entre les différents postes sur la base de cette nomenclature est une pratique quasi unanime de ces dernières. Au-delà, on doit surtout mettre en exergue la très grande hétérogénéité des pratiques des Cours administratives d’appel. Cette pratique est la conséquence directe de l’avis Lagier puisqu’en autorisant une globalisation des postes, notamment dans le domaine extrapatrimonial, celui-ci n’a bien entendu pas incité les juges à en opérer une ventilation plus fine. Cette dualité de pratiques est problématique au regard de l’égalité entre les victimes et du principe de la réparation intégrale, d’autant plus qu’au sein du système administratif, la pratique des regroupements de préjudices est très hétérogène.
– Quant à la comparaison du niveau d’indemnisation des chefs de préjudices. La possibilité d’opérer une comparaison du niveau d’indemnisation poste par poste par les deux ordres de juridictions a été limitée à la fois par le facteur de la globalisation des postes, et par le caractère intrinsèquement incomparable des outils de chiffrage de certains postes qui restent étroitement liés à la situation strictement personnelle de la victime, et pour lesquels la comparaison du montant chiffré n’aurait pas de sens. Pour les postes où la comparaison a été opérée, il apparaît que le niveau d’indemnisation par le juge administratif est globalement inférieur à celui du juge judiciaire aussi bien s’agissant des victimes directes que des victimes
par ricochet. L’observation vaut notamment pour les souffrances endurées, pour le préjudice
esthétique, pour le choix du taux horaire servant de base à l’indemnisation du poste «assistance tierce personne» ou encore dans l’hypothèse de l’évaluation du préjudice d’affection en cas de décès de la victime directe.