L’abondance de la production normative dans le domaine de l’égalité et des discriminations est certainement un marqueur de l’importance sociale accordée à ces questions. Pour autant, cette profusion ne garantit ni la cohérence des dispositions, ni la « réalisabilité » concrète des droits. Ces garanties sont d’autant plus difficiles à assurer que les textes applicables sont insérés dans un édifice hiérarchisé de normes nationales et internationales qui ne sont pas self-executing, et impliquent pour leur mobilisation que soient formées des réclamations devant des instances compétentes.
L’objectif de la recherche financée sur appel d’offres par la Mission de recherche Droit et Justice, est précisément de rendre compte de la vie de ces normes sous un point de vue particulier, celui des actions en justice, en cherchant à voir comment les revendications de discrimination et d’égalité s’articulent et s’actualisent dans un cadre contentieux. L’enquête a porté sur un échantillon d’arrêts extraits de la base JURICA, qui comporte en texte intégral l’ensemble des arrêts d’appel rendus depuis 2007 par toutes les cours d’appel. L’interrogation a été conduite sur la période 2007-2010, à partir des termes « discrimination » ou « travail égal », et a permis de constituer un corpus de 7544 arrêts, d’où a été tiré un échantillon d’un trimestre sur chacune des quatre années (septembre à novembre), représentant 2204 arrêts. Ces arrêts ont été analysés et codés à l’aide d’une grille d’analyse de 67 variables, formant une base de données qui a fait l’objet d’exploitations quantitatives et qualitatives. Les enseignements de cette enquête sont présentés en trois parties.
La première partie campe en trois chapitres le cadre théorique et méthodologique de l’analyse des contentieux. Le chapitre 1 situe la place du contentieux judiciaire parmi les différentes formes de revendications prenant l’égalité et les discriminations pour objet (Évelyne Serverin). Le chapitre 2 est consacré aux référentiels juridiques des actions (Morgan Sweeney). Le chapitre 3 décrit la méthode de constitution et d’analyse des matériaux de la recherche (Évelyne Serverin).
La deuxième partie, qui constitue le noyau dur de la recherche, décline en trois chapitres les résultats et enseignements tirés de l’analyse du corpus d’arrêts : Le chapitre 1 met en perspective le contentieux des cours d’appel la discrimination et de l’égalité en matière sociale. Le chapitre 2 développe les caractéristiques de ce contentieux, sous les différentes dimensions saisies par la grille d’analyse. Enfin, le chapitre 3 propose d’expliquer les motifs de recours à l’aide d’une analyse factorielle des correspondances (Évelyne Serverin).
La troisième partie est analytique, et illustre en trois chapitres les caractéristiques des litiges. Le chapitre 1 est consacré à l’égalité et aux discriminations de genre (Évelyne Serverin, Raphaël Dalmasso). Le chapitre 2 s’intéresse aux méthodes de comparaison employées dans les litiges (Olivier Leclerc). Le chapitre 3 développe les caractéristiques des discriminations syndicales (Frédéric Guiomard, Inès Meftah). L’étude se ferme sur une synthèse conclusive, qui met l’accent sur les tensions et les paradoxes des actions en justice dans ce domaine, tout en proposant une réflexion prospective sur la formation de collectifs dans l’exercice de ces actions. (Évelyne Serverin).
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Les discriminations dans les relations de travail devant les cours d’appel. La réalisation contentieuse d’un droit fondamental