Audition et discernement de l’enfant devant le juge aux affaires familiales

Auteur•rice•s

Blandine MALLEVAEY

Publication

Mar. 2020

La Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 affirme que l’enfant capable de discernement a le droit d’exprimer ses opinions sur toute question l’intéressant et que celles-ci doivent être prises en considération selon son âge et son degré de maturité. Pour cela, la possibilité doit notamment être donnée à l’enfant d’être entendu dans les procédures judiciaires qui le concernent. En France, le législateur a consacré le droit de l’enfant doué de discernement d’être entendu dans les procédures civiles, en particulier par le juge aux affaires familiales lorsqu’il statue sur la résidence de l’enfant chez l’un de ses parents séparés et sur l’organisation du droit de visite et d’hébergement de l’autre parent.

L’étude du cadre textuel rendant compte qu’il ne favorise guère l’audition de l’enfant dans des conditions protectrices de sa parole et de son intérêt, il est apparu nécessaire d’étudier les pratiques en la matière. A cette fin, l’équipe qui a réalisé la présente recherche a analysé les conventions relatives à l’audition de l’enfant, établies au sein de 15 juridictions entre les juges aux affaires familiales et les avocats d’enfants. Elle a ensuite effectué et analysé des entretiens avec 29 juges aux affaires familiales. L’analyse des données de terrain a révélé d’importantes disparités de pratiques, mais également le souci des professionnels de mettre en œuvre des dispositifs respectueux de l’enfant et de sa parole.

Le regard pluridisciplinaire porté sur les pratiques a conduit les auteurs de la recherche à repenser l’audition de l’enfant afin d’améliorer sa participation aux décisions judiciaires qui le concernent au sein de sa famille, tout en assurant la protection de sa personne, de sa parole et de son intérêt supérieur. Ils ont alors formulé 55 recommandations qui portent tout autant sur une réforme des dispositions législatives et réglementaires applicables à l’audition de l’enfant que sur les pratiques des juges aux affaires familiales et des avocats d’enfants.

Ces recommandations visent notamment à l’aménagement d’une présomption simple de discernement de l’enfant âgé de plus de dix ans, dont l’audition serait dès lors favorisée s’il souhaite s’exprimer. Il s’agirait également de mettre en place une notification directe à l’enfant des droits dont il bénéficie, par l’envoi d’un formulaire qu’il pourrait retourner à la juridiction afin de faire savoir s’il souhaite être entendu. Le principe de primauté de l’audition directe de l’enfant par le juge serait renforcé par l’obligation pour le magistrat de motiver sa décision de déléguer l’audition à un tiers. En outre, un avocat spécialiste de l’enfance serait systématiquement désigné pour assister l’enfant dans la procédure qui le concerne. Pour que les évolutions textuelles et l’adaptation des pratiques préconisées par l’équipe de recherche puissent être intégrées par les magistrats, les auteurs recommandent en outre une spécialisation des fonctions de juge aux affaires familiales.Ainsi, le juge aux affaires familiales serait spécifiquement formé au recueil et à l’écoute de la parole de l’enfant.

Voir la recherche n°16.32 « Audition et discernement de l’enfant devant le juge aux affaires familiales »