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Les aspects numériques des procédures judiciaires et la fabrique des e-usagers

Paris, le 1er février 2023 – La dématérialisation est un enjeu majeur de la justice au XXIe siècle. Son développement ne saurait se faire au détriment du droit fondamental d’accéder au tribunal notamment au regard des populations les plus vulnérables. Par ailleurs, la question de l’accès au droit a été prise en charge par l’État et institutionnalisée, au cours des années 1990 dans le cadre d’une politique confiée au ministère de la Justice. Deux recherches différentes mais néanmoins complémentaires étudient ces questions du parcours numérique des usagers et  de la fabrique des e-usagers face à la dématérialisation du droit.

La première recherche[1] s’est donné pour objectif d’identifier les freins et difficultés rencontrées par les usagers dans leur parcours numérique d’accès au droit, de caractériser les stratégies développées par les usagers et les personnes chargées de leur accompagnement pour les surmonter, d’analyser la différence entre le parcours théorique et le parcours réel et de formuler des préconisations en vue de parfaire les parcours numériques des usagers ainsi que la formation à destination des accompagnateurs. La recherche suggère ainsi des leviers d’amélioration du parcours numérique des usagers dans les procédures judiciaires. Ces préconisations sont au nombre de dix formulées en trois axes dévoilés par le diagnostic :

  • lutter contre les vulnérabilités numériques ; 
  • adapter les outils numériques liés à l’accès au droit ; 
  • améliorer l’accompagnement des usagers. 

Elles ont à cœur de traiter les difficultés rencontrées dès leurs sources (illectronisme, vulnérabilité), d’offrir une information complète et adaptée aux usagers (ergonomie, site expert et novice, réponses de fond et de procédure), mais aussi d’accompagner l’usager vers l’autonomie (favoriser le contact humain, former les accompagnants) le tout en préservant les droits fondamentaux de chacun et l’éthique des procédures. 

Dans la seconde recherche[2], les enquêteurs ont étudié la mise en œuvre quotidienne de la politique d’accès au droit dans deux départements français, avec pour objet l’analyse de la politique publique dans le contexte actuel de dématérialisation des services publics. La recherche met en lumière la diversité des statuts des travailleur·ses de l’accès au droit, les frontières qui cadrent leurs activités et les enjeux de dévalorisation de leur travail auxquels elles, puisque ce sont majoritairement des femmes, sont confrontées. L’étude des usages de ces permanences met également en exergue une population fortement féminine et majoritairement précarisée. 

Si pour une partie des usager·ères les permanences apparaissent comme un service ponctuel donnant accès à des informations pour préparer une éventuelle action et réintégrer le parcours « classique » du futur justiciable, pour deux catégories d’usager·ères : les femmes victimes de violence et les étrangers, les permanences d’accès au droit relèvent davantage d’une prise en charge spécifique. La dématérialisation des services publics vient accentuer la nécessité de cette prise en charge spécifique par les contraintes particulières qu’elle crée pour ces publics : la disparition des guichets d’une part, le renforcement des formes de domination dans le couple de l’autre. La dématérialisation des services publics agit comme un opérateur de segmentation des publics et des trajectoires d’accès au droit, et non seulement comme un facteur d’augmentation de l’inaccessibilité.

Face à cet éloignement du guichet, la permanence est alors prise dans une tension structurante : se retrouver en position de remplacer le guichet, sans pour autant avoir les moyens humains et financier de s’y substituer.


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