La proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires, adoptée le 2 juillet 2019, inscrit dans l’article 371-1 du Code Civil le principe suivant : « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
S’appuyant sur une enquête sociologique et juridique, la présente recherche restitue la genèse de l’institutionnalisation de ce nouvel interdit, ainsi que son appréhension par les professionnels administratifs et judiciaires, de même que par les familles.
Si un nombre important de faits s’apparentant à des sanctions physiques ne sont pas portés à l’attention des services sociaux et de la justice, la recherche précise les circonstances dans lesquelles certaines situations peuvent être constituées en « affaires ».
L’action administrative ou judiciaire intervient le plus souvent dans des contextes de ruptures conjugales ou de recompositions familiales, à l’initiative d’un des parents, dans des dossiers impliquant fréquemment des adolescents. La judiciarisation de faits dénoncés par des instances extérieures (éducation nationale, services d’action sociale) concerne surtout les familles issues des fractions précarisées des classes populaires et les parents issus de l’immigration, ou de territoires ultra-marins, invoquant une visée éducative inscrite dans un autre contexte socio-culturel. Les cas issus de milieux sociaux favorisés, liés à des pratiques éducatives rigoristes, échappent plus facilement au dispositif de protection de l’enfance.
Parmi les critères de jugement à partir desquels s’élaborent les décisions, la présence de traces physiques sur l’enfant, la régularité de la punition corporelle et les intentions attribuées à son auteur sont reconnus par les professionnels qui tolèrent davantage les pertes de contrôle passagères, la sanction physique comme mode éducatif volontaire étant condamnée.
La recherche revient également sur le processus législatif engagé contre les violences éducatives et l’expertise médicale mobilisée à des fins militantes dans celui-ci, la loi votée déplaçant sur le terrain du droit ce qui n’était auparavant qu’une position morale.
Enfin, elle interroge les rapports différenciés des familles à la norme de proscription des châtiments corporels selon leurs caractéristiques socio-biographiques. Il en résulte que le rapport à la sanction éducative est d’une grande diversité d’une famille à l’autre, même si la norme de ne pas blesser l’enfant semble partagée.
Voir la recherche n°16.33 « Sanctionner les « châtiments corporels » à visée éducative? Aspects sociaux et juridiques d’un intolérable en devenir »