Régulation conjointe et partage des compétences entre les juges du Tribunal de commerce de Paris

Auteur•rice•s

Emmanuel LAZEGA, Lise MOUNIER

Publication

2003

Comme beaucoup de problématiques qui occupent une place importante dans les débats sur la  société française, les relations entre la république et le commerce, entre l’intérêt général et  l’intérêt particulier, apparaissent sous les traits d’une opposition. Au-delà du fait que cette  séparation sociale radicalise le débat entre les admirateurs de la vertu républicaine et les  partisans de l’esprit de commerce dans l’économie de marché, elle se traduit par une  hétérogénéité des formes de statut social. En d’autres termes, être « important » dans le  monde des affaires s’accompagne rarement d’un statut équivalent dans l’appareil d’État.

Dans chacun de ces « mondes », la légitimité des comportements caractéristiques de l’autre  est plus que fragile. Pourtant, de nombreux corps intermédiaires, comme les tribunaux de  commerce, existent à la frontière de ces deux mondes. Cette étude concerne la manière dont  les juges du Tribunal de commerce de Paris gèrent l’hétérogénéité des formes de statut  (économique et administratif) qui les caractérisent. Depuis sa création en 1563, cette  juridiction consulaire est marquée par la séparation du monde du privé et de celui du public.  Des tentatives régulières de réforme au cours de ces cinq siècles visent, entre autres, à  dépasser ce conflit.

Tenant compte de la continuité historique, l’hypothèse principale de cette recherche est que le  Tribunal de commerce de Paris tente de gérer le risque de non congruence entre ces formes de  statut social en créant un type de statut social transversal, basé sur les compétences des juges  et leur expertise, mais aussi sur la mutualisation de ces compétences dans son sein. Par son  intermédiaire, les tribunaux de commerce tenteraient de dépasser les clivages traditionnels  entre les deux univers en créant une forme de statut social sur lequel s’appuie la régulation  conjointe du monde des affaires.

Pour tester cette hypothèse, nous avons mené une étude empirique basée sur la passation  d’entretiens approfondis auprès des juges du Tribunal de commerce de Paris en fonction en  2002. L’analyse des informations ainsi obtenues concerne les différents problèmes que  soulève aujourd’hui cette forme de statut social transversal.