Comme beaucoup de problématiques qui occupent une place importante dans les débats sur la société française, les relations entre la république et le commerce, entre l’intérêt général et l’intérêt particulier, apparaissent sous les traits d’une opposition. Au-delà du fait que cette séparation sociale radicalise le débat entre les admirateurs de la vertu républicaine et les partisans de l’esprit de commerce dans l’économie de marché, elle se traduit par une hétérogénéité des formes de statut social. En d’autres termes, être « important » dans le monde des affaires s’accompagne rarement d’un statut équivalent dans l’appareil d’État.
Dans chacun de ces « mondes », la légitimité des comportements caractéristiques de l’autre est plus que fragile. Pourtant, de nombreux corps intermédiaires, comme les tribunaux de commerce, existent à la frontière de ces deux mondes. Cette étude concerne la manière dont les juges du Tribunal de commerce de Paris gèrent l’hétérogénéité des formes de statut (économique et administratif) qui les caractérisent. Depuis sa création en 1563, cette juridiction consulaire est marquée par la séparation du monde du privé et de celui du public. Des tentatives régulières de réforme au cours de ces cinq siècles visent, entre autres, à dépasser ce conflit.
Tenant compte de la continuité historique, l’hypothèse principale de cette recherche est que le Tribunal de commerce de Paris tente de gérer le risque de non congruence entre ces formes de statut social en créant un type de statut social transversal, basé sur les compétences des juges et leur expertise, mais aussi sur la mutualisation de ces compétences dans son sein. Par son intermédiaire, les tribunaux de commerce tenteraient de dépasser les clivages traditionnels entre les deux univers en créant une forme de statut social sur lequel s’appuie la régulation conjointe du monde des affaires.
Pour tester cette hypothèse, nous avons mené une étude empirique basée sur la passation d’entretiens approfondis auprès des juges du Tribunal de commerce de Paris en fonction en 2002. L’analyse des informations ainsi obtenues concerne les différents problèmes que soulève aujourd’hui cette forme de statut social transversal.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : La participation des citoyens à la fonction de juger