Les filières djihadistes en procès – Ethnographie d’audiences criminelles et correctionnelles (2017-2019)

Auteur•rice•s

Christiane BESNIER, Antoine MEGIE, Denis SALAS, Sharon WEILL

Publication

Oct. 2020

En 2017, le nombre de procès contre des personnes impliquées dans l’organisation de l’État islamique, les « velléitaires », prévenus ayant tenté sans succès de rejoindre la Syrie, ou les « revenants » du terrain guerrier irako-syrien, ne cesse d’augmenter. La France, pays d’Europe le plus touché par le phénomène des filières syro-irakiennes, est aussi celui où les attentats de Daech ont été les plus meurtriers. S’inscrivant dans ce contexte, la recherche examine les affaires liées au terrorisme jugées de 2017 à 2019 par la cour d’assises spécialement composée et la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Outre l’analyse du cadre juridique, de la législation antiterroriste, de la politique pénale et de son application par les magistrats, la recherche pose un regard pluridisciplinaire (droit, ethnologie et science politique) sur le rôle des acteurs à l’audience et le sens de la peine.

Il ressort de l’observation des audiences et de la réalisation d’entretiens avec les principaux acteurs que la cour d’assises spécialement composée conserve l’image d’une cour d’assises de droit commun tendant à être spécialisée.

Alors que les magistrats du parquet présentent une forte spécialisation renforcée par la création du parquet national antiterroriste (PNAT), l’arrivée massive de dossiers liés aux filières djihadistes devant la juridiction depuis l’automne 2019 a conduit à une spécialisation des magistrats du siège.

Tout en préservant l’apparence des procès ordinaires, un certain nombre de principes et rituels sont remis en question : la pratique judiciaire connaît un changement de paradigme, la dangerosité l’emportant sur la culpabilité, le risque sur l’acte commis et la prévention sur la répression. Chaque audience observée exprime par ailleurs une tension entre un contexte de lutte contre le terrorisme (en général), dans lequel se positionne le parquet, et le jugement d’individus (en particulier), que le magistrat du siège, avec l’aide de l’avocat, s’efforce de préserver en individualisant l’acte de juger.

L’observation de ces procès a permis aux chercheurs d’émettre des recommandations quant à la nécessité d’enregistrer les audiences afin de constituer une mémoire judiciaire du terrorisme, d’envisager un nouveau modèle d’expertise psychiatrique et de recourir davantage aux spécialistes de l’islam.

Voir la recherche n°17.29 « Les filières djihadistes en procès. Approche ethnographique des audiences criminelles et correctionnelles (2017-2019) »