L’émergence d’une culture judiciaire européenne. Avancées et difficultés d’une culture judiciaire européenne dans l’espace judiciaire européen

Auteur•rice•s

Sylvie CIMAMONTI, Jean-Louis BERGEL, Jean-Yves CHEROT, Marie-Françoise MERCADIER

Publication

2009

Consacrée à l’émergence d’une culture judiciaire européenne appelée de façon de plus en plus pressante dans les programmes des Institutions de l’UE et du Conseil de l’Europe, cette recherche a validé l’intérêt d’une démarche d’ordre pragmatique, consistant à chercher chez les acteurs le sens de la référence à une telle culture.

Elle a permis de montrer qu’une partie des difficultés pouvant apparaître dans le fonctionnement de l’espace judiciaire européen tenait surtout à la méconnaissance des autres systèmes judiciaires par certains des acteurs, créant ce que l’on appelle une absence ou une insuffisance de compréhension mutuelle. Qu’elle concerne la coopération entre États membres de l’Union européenne ou la coopération entre Etats parties du Conseil de l’Europe, la culture judiciaire européenne est ainsi comprise de la part des acteurs les plus engagés en matière de coopération judiciaire dans la communauté comme une culture de la compréhension mutuelle fondée sur la connaissance et la reconnaissance mutuelle des systèmes participants à l’espace judiciaire européen.

A cette dimension horizontale de la coopération entre juges s’ajoute une dimension verticale : la coopération trans-frontière entre magistrats suppose des instruments normatifs conférant ce pouvoir de coopération et un socle de principes communs partagés par les systèmes judiciaires. L’analyse de la culture judiciaire européenne dans l’espace judiciaire de l’Union ne peut donc pas ne pas être saisie aussi dans l’analyse de ces instruments normatifs, eux-mêmes en synergie.

La culture judiciaire commune ou le sentiment d’appartenance à une culture commune facilite la compréhension mutuelle entre systèmes. Réciproquement, la culture de la compréhension mutuelle est elle-même une des sources de la culture commune quand elle permet, en obligeant à prendre en considération les exigences des autres systèmes judiciaires, de diffuser des pratiques et des modèles communs.

Il existe également un lien assez net et étroit entre la culture de la compréhension mutuelle et celle de la confiance mutuelle qui est au cœur des instruments réglementaires de construction de l’espace judiciaire européen. Celle-ci étant présentée par les Institutions de l’Union comme une conquête toujours à développer et à renforcer, en référence à une action forte en direction des professionnels pour une meilleure connaissance des systèmes juridiques des États membres. Cependant au nom de la confiance mutuelle, la Cour de justice peut conférer aux règles de compétences une portée si rigide qu’elle écarte toute possibilité de coopération raisonnable entre juges pour leur permettre de faire face ensemble à des stratégies critiquables des plaideurs (forum shopping).

De même, dès lors que les programmes sur l’espace judiciaire européen développent le mécanisme de la reconnaissance mutuelle, le principe de confiance mutuelle peut intervenir aussi bien pour appeler à vérifier le respect du socle des principes qui forment la culture judiciaire commune, de telle sorte que la confiance soit « éprouvée » avant de permettre de faire fonctionner la reconnaissance mutuelle, qui peut donc être décrochée de la politique destinée à favoriser l’approfondissement et la précision des principes procéduraux communs.