La fabrique de l’aumônerie musulmane des prisons en France

Auteur•rice•s

Céline BERAUD, Claire de GALEMBERT

Publication

Sep. 2020

Après les attentats de 2015, l’islam est devenu le premier culte financé par l’administration en prison, devant la religion catholique.

Cet engagement de l’État résulte de la place attribuée à la radicalisation carcérale dans la survenance de la vague de terrorisme djihadiste, alors même que les pouvoirs publics se trouvaient passablement démunis en dispositifs susceptibles de contrer ce phénomène. Le nombre d’aumôniers et d’aumônières musulman.es s’est en conséquence fortement accru.

L’enjeu de la recherche est de saisir comment l’aumônerie musulmane s’est institutionnalisée et inscrite dans le monde carcéral français. Pour ce faire, les auteures se sont appuyées sur une enquête ethnographique principalement menée dans six établissements pénitentiaires, en croisant sociologies de la religion, de l’action publique, des professions et de la prison.

Dans le contexte des politiques publiques de lutte contre la radicalisation, les auteures se sont attachées à analyser ce qu’elles nomment l’injonction paradoxale dont les aumôniers et aumônières musulman.es font l’objet : d’un côté, être des acteurs et actrices de lutte contre l’extrémisme religieux et, de l’autre, préserver leur autonomie par rapport aux attentes des pouvoirs publics sous peine de s’aliéner la confiance des détenus indispensable à leur mission spirituelle.

Les investigations conduites montrent que l’aumônerie musulmane est une institution désormais bien installée dans le paysage pénitentiaire, où elle s’est « routinisée ». Les étapes de l’institutionnalisation progressive de l’aumônerie et les transformations qui l’ont accompagnée laissent toutefois un bilan mitigé. Le concept même d’une « aumônerie » est étranger à la tradition musulmane, et le développement de l’institution pâtit de la faible organisation des communautés musulmanes. Par ailleurs, la politique pénitentiaire de lutte contre la radicalisation a façonné la compréhension que les aumôniers et aumônières ont de leur mission et de leur travail concret au sein des établissements. Or, les évolutions statutaires mises en place n’ont pas suffi à rendre la fonction attractive et adaptée au profil des aumôniers et aumônières potentiel.les.

En se basant sur ces constats, les auteures préconisent des pistes d’action pour remédier à l’essoufflement de cette institution et de ses acteurs.

Voir la recherche n°17.06 « La fabrique de l’aumônerie musulmane des prisons en France »