La fabrique de l’aumônerie musulmane des prisons en France

Auteur•rice•s

Céline BERAUD, Claire de GALEMBERT

Publication

2019

Après les attentats de 2015, l’islam devient le premier culte financé par l’administration en prison, devant les catholiques. Le nombre d’aumôniers musulmans connaît une croissance importante. Il atteint 231 en 2018 pour un total de 188 établissements pénitentiaires.

Le premier objectif de cette recherche était d’analyser comment les aumôniers musulmans gèrent concrètement l’injonction paradoxale dont ils sont la cible : être des acteurs de lutte contre l’extrémisme religieux d’un côté, préserver leur autonomie par rapport aux attentes des pouvoirs publics sous peine de s’aliéner la confiance des détenus de l’autre. En quoi les politiques publiques de lutte contre la radicalisation carcérale accélèrent-elles l’institutionnalisation d’une aumônerie musulmane des prisons ? En quoi la compliquent-elles également ? Cette interrogation s’emboîte dans un questionnement plus général axé sur l’institutionnalisation de cette aumônerie encore récente et son devenir. En s’appuyant sur une enquête de type ethnographique principalement menée dans six établissements pénitentiaires et en croisant sociologies de la religion, de l’action publique, des professions et de la prison, il s’est donc aussi agi de saisir la manière dont l’aumônerie musulmane s’inscrit concrètement dans le monde carcéral français. Qui devient aumônier musulman et comment ? Que font les aumôniers musulmans et en quoi leurs pratiques diffèrent-elles de celle des imams ? Sont-elles semblables à celles de leurs homologues des autres cultes ? Quelles compétences mettent-ils en œuvre ? Comment cette fonction s’invente-elle d’un point de vue théologique ? Comment les détenus participent-ils, à travers leurs attentes, demandes et éventuelles résistances à la construction de cette figure à la légitimité encore fragile ? Quelles attentes émanant des personnels, de direction en particulier, reposent sur les aumôniers musulmans ?

Le rapport se compose de trois parties. La première présente l’aumônerie musulmane comme une institution entre installation et essoufflement. Elle revient sur les grandes étapes de l’institutionnalisation de l’aumônerie et les transformations qui l’ont accompagnée. Ce bilan en demi-teinte ne doit pas empêcher de constater le processus de routinisation de l’aumônerie musulmane, qui paraît désormais bien installée dans le paysage pénitentiaire. La partie deux rend compte des avancées en la matière. Enfin, la troisième partie se penche plus spécifiquement sur la manière dont la politique pénitentiaire de lutte contre la radicalisation a façonné la compréhension que les aumôniers se font de leur mission et leur travail concret au sein des établissements.