Ce rapport contribue à l’analyse de la contribution des professionnel·les du droit et des institutions juridictionnelles aux inégalités sociales qui structurent les sociétés contemporaines. Il appréhende cette question à partir d’une double enquête, statistique et ethnographique, portant les séparations conjugales, qui constituent un contentieux civil, de masse, touchant l’ensemble des catégories sociales et prononçant des décisions de nature diverse afin d’organiser la vie intime des individus (résidence des enfants, pension alimentaire, prestation compensatoire, etc.). Elles constituent un bon observatoire pour étudier l’effet des inégalités de ressources sociales entre les justiciables sur leurs recours au droit et aux procédures judiciaires, et pour analyser en retour la manière dont l’action des professionnel·les du droit et les décisions de justice sont susceptibles de réduire, de reproduire ou d’intensifier ces inégalités. Pour son volet statistique, l’étude s’appuie sur la construction et l’analyse d’un échantillon représentatif de 4 000 dossiers judiciaires de divorces et séparations conjugales dont la dernière décision a été rendue en 2013 dans 7 tribunaux de grande instance (devenus tribunaux judiciaires) et des 2 cours d’appel, situés dans des territoires aux caractéristiques sociodémographiques contrastées. L’enquête ethnographique s’inscrit dans une recherche au long cours : débutée au sein de tribunaux de grande instance, celle-ci s’est progressivement élargie aux avocat·es et des notaires, mais aussi à deux cours d’appel et finalement à des services publics et associatifs d’accès aux droits. Elle associe de nombreuses observations des situations d’interactions entre professionnel·les et client·es ou justiciables, et des entretiens menés auprès de ces professionnel·les. Cette analyse met en avant la prégnance des inégalités de classe et de genre à toutes les étapes du traitement juridique et judiciaire des séparations conjugales. Il montre que celle-ci s’articule aux inégalités liées au statut matrimonial et au territoire. Selon que les couples ont été mariés ou non, selon qu’ils résident dans l’Ouest de la France ou en région parisienne (et au sein de celle-ci, à Paris ou en banlieue), les expériences de la justice et son impact sur les conditions de vie post-rupture diffèrent notablement.
This report contributes to the analysis of the contribution of legal professionals and jurisdictional institutions to the social inequalities that structure contemporary societies. It approaches this question from a double survey, statistical and ethnographic, on marital separations, which constitute a mass civil litigation, affecting all social categories and pronouncing decisions of diverse nature in order to organize the intimate life of individuals (residence of children, alimony, compensatory allowance, etc.). They constitute a good observatory for studying the effect of inequalities in social resources between litigants on their recourse to the law and to legal proceedings, and for analyzing in return the way in which the actions of legal professionals and legal decisions are likely to reduce, reproduce or intensify these inequalities. For its statistical component, the study relies on the construction and analysis of a representative sample of 4,000 divorce and marital separation court cases whose last decision was rendered in 2013 in 7 courts of first instance (now judicial courts) and 2 courts of appeal, located in territories with contrasting sociodemographic characteristics. The ethnographic survey is part of a long-term research: started within the high courts, it has gradually been extended to lawyers and notaries, but also to two courts of appeal and finally to public and associative services of access to rights. It combines numerous observations of interaction situations between professionals and clients or litigants, and interviews conducted with these professionals. This analysis highlights the prevalence of class and gender inequalities at all stages of the legal and judicial treatment of marital separations. It shows that these inequalities are linked to inequalities related to marital status and territory. Depending on whether couples were married or not, whether they lived in the West of France or in the Paris region (and within the latter, in Paris or in the suburbs), the experiences of justice and its impact on post-breakup living conditions differed significantly.