Longtemps, l’école était vue comme le berceau du Droit et de la Justice, à la fois lieu de « socialisation », relais privilégié des règles de notre société, et vecteur de justice sociale, à travers « l’égalité des chances », dispensée à chacun selon ses mérites. Aujourd’hui, ce mythe républicain est battu en brèche à mesure qu’émergent l’image d’une école injuste et excluante, et la crainte que l’école, loin d’être le sanctuaire promis, puisse être un lieu de « violence » et de conflits où éclatent les déséquilibres sociaux extérieurs, une « zone de non-droit ». Cette vision concerne principalement l’éducation en milieu populaire, multiculturel et « disqualifié », dans ces quartiers que par un raccourci géographique, on appelle « les banlieues ». Loin de toute dramatisation, nous avons voulu comprendre, sur le terrain, ce qu’il en est du Droit et de la Justice, en nous plongeant dans la vie quotidienne d’un établissement comme tant d’autres : un collège, puisque c’est là que la question de la Justice se pose avec le plus d’acuité, à ce moment où tous les adolescents d’un même quartier se retrouvent dans un même cursus, avant de subir le tri décisif de la fin de la 3ème , et puisque c’est là que l’on parle le plus de « violence ». Et effectivement, au collège, le Droit et la Justice ne vont pas de soi. D’un côté, les enseignants essaient d’imposer leur ordre et leurs normes dans la classe, et sont en demande de cadres et de sanctions pour les y aider. De l’autre, les élèves résistent en opposant leur identité, dénoncent l’injustice des adultes, et en appellent, souvent maladroitement, à plus de justice et de droits. Nous avons voulu donner la parole à tous les acteurs du collège mais avec une attention toute particulière aux points de vue des élèves, dont l’expression est restée jusqu’à présent assez limitée si bien que nous en avons une vision trop souvent stéréotypée. Notre démarche, fondée sur le terrain, est avant tout compréhensive – se « mettre à la place de »-, et plurielle : nous passons du « micro » au « macro », de la sociologie au droit, à l’anthropologie ou à la psychologie. En étudiant le droit et la justice au collèges, en pratiques et en représentations (le tolérable et l’intolérable, le permis et le défendu, le juste et l’injuste), nous avons rencontré la question du jugement scolaire. Au cœur du système, il est constitué des évaluations les plus quotidiennes jusqu’aux sanctions disciplinaires les plus exceptionnelles. Juger/ noter/ punir sont trois étapes d’un même processus de sanction des performances et des comportements. Ce mémoire est fondé sur une longue expérience de terrain, d’observation, d’entretiens, de recueil de documents « locaux » (dissertations d’élèves, pétitions, rapports de professeurs, règlements, … ).
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Accès au(x) droit(s), accès à la justice