Jeunesse en difficulté et justice de proximité

Auteur•rice•s

Anne WYVEKENS

Publication

1998

La politique française de la ville, qui se caractérise par le souci d’une approche locale de la question de l’exclusion, est à l’origine du développement de préoccupations de territorialisation de la justice. La notion de quartier hors droit exprime, pour les questions de sécurité, de délinquance, de justice pénale, cette vision topologique de l’exclusion. Celle de justice de proximité lui répond et désigne les réponses élaborées dans le cadre de cette approche territoriale. La volonté de “réintroduire le droit dans les quartiers hors droit” s’étant concrétisée non pas à partir d’une démarche normative, venue d’en haut, mais sous le signe du pragmatisme, au gré des initiatives individuelles et des configurations locales, une formule unique recouvre à la fois des pratiques multiples et des objectifs pouvant se révéler hétérogènes ou instables. Il en est de même pour les dispositifs plus spécifiquement orientés vers la jeunesse, qui se sont développés dans un second temps. La diversité règne: “médiation-réparation”, “réparation pénale”, “rappel à la loi”, délocalisés ou non, pratiqués ici par des magistrats, là par des travailleurs sociaux; interventions “en amont” de toute infraction; formes diverses de partenariat entre le parquet et le monde scolaire; éducation à la citoyenneté; groupes locaux de traitement de la délinquance.

La recherche a pour objectif, à partir de cette diversité, d’approfondir une réflexion d’ensemble sur la politique judiciaire de la ville, initiée par l’analyse des maisons de justice lyonnaises, et destinée à se poursuivre, avec Jacques Donzelot, à travers l’évaluation des groupes locaux de traitement de la délinquance et de la mise en place des contrats locaux de sécurité. Le propos de ce second volet se veut à la fois général et spécifique. D’une part, les pratiques judiciaires initiées en direction des mineurs dans une logique territoriale permettent d’affiner la compréhension des transformations que l’institution connaît au contact de la politique de la ville. D’autre part, la justice des mineurs elle-même se trouve, par ces pratiques, soumise à un mouvement de remise en question dont on ébauche ici la théorisation.