Évaluation transversale de la dangerosité

Auteur•rice•s

Astrid HIRSCHELMANN

Publication

2012

Notion floue par excellence, la dangerosité permet de mettre en accord les partenaires de la justice pénale issus de champs de compétence distincts et exerçant des missions diverses. Elle permet également de donner corps à une demande sociétale sans cesse accrue d’une réponse sécuritaire faite à la délinquance.

La présente recherche analyse les pratiques d’évaluation de la dangerosité, dans une optique de mise à jour et de compréhension des interactions entre magistrats, experts et acteurs de la pénitentiaire. L’objectif de cette recherche est donc de spécifier la notion de dangerosité en comparant les principes de la psychiatrie légale, les pratiques à la fois psychomédicales et juridiques, ainsi que le champ plus largement criminologique. Nous nous interrogerons sur les effets produits par les évaluations psychiatriques et criminologiques de la dangerosité et du risque de récidive. Cette recherche a pour but de mettre en relief les controverses dans l’utilisation de la notion de dangerosité ; de pointer leurs répercussions individuelles et sociétales ; mais aussi, de faire émerger les stratégies et outils d’évaluation transdisciplinaires possibles.

Le corpus de données a été constitué par l’étude de 260 dossiers pénaux (affaires correctionnelles et criminelles, dossiers suivis par des Juges de l’Application des Peines et la Commission Pluridisciplinaire des Mesures de Sûreté), ainsi que par des entretiens réalisés auprès de professionnels et des observations menées lors de séances d’une Commission Pluridisciplinaire des Mesures de Sûreté.

Les analyses clinique et statistique des dossiers pénaux et des échanges avec les différents professionnels révèlent un manque de définitions opérationnelles des notions de dangerosités criminologique ou psychiatrique. Ces résultats soutiennent la nécessité de croiser les regards et les compétences professionnelles dans le but de produire une approche globale de la personne et de son lien avec les faits qui ne se réduise pas à un cumul de facteurs isolés et à une spéculation du risque de récidive.

L’alternative à l’évaluation d’une dangerosité criminologique, qui pose problème à tout le monde, serait de tirer profit des réinterprétations plus ou moins implicites des professionnels pourtant opérantes, à savoir une évaluation de la vulnérabilité psychologique et celle de la précarité sociale et professionnelle, déjà beaucoup travaillée par les psychologues PEP, les CPIP, les assistants sociaux et les autres travailleurs sociaux. Une mise en commun de ces pratiques et expériences professionnelle permettrait notamment de réintroduire une temporalité et une étude longitudinale du parcours pénal de la PPSMJ qui font actuellement défaut.

Les résultats de la présente recherche ne peuvent qu’inciter à réfléchir sur l’organisation éthique, juridique et socialement adéquate des concepts en vue de la protection contre les personnes de la part desquelles d’autres actes illégaux considérables sont à attendre. Ces réflexions doivent nécessairement tenir compte du domaine de protection éthique des personnes « considérées comme dangereuses ». Car celui, celle ou ce qui mérite attention, dignité et protection et la façon de protéger sont tous deux dépendants de la manière dont nous percevons l’être humain.

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Dangerosité