Évaluation de la mise en place d’une table de référence pour le calcul de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants

Auteur•rice•s

Brigitte MUNOZ-PEREZ, Bruno JEANDIDIER, Caroline MOREAU, Cécile BOURREAU-DUBOIS, Isabelle SAYN, Nathalie DE JONG

Publication

2010

La recherche est construite autour de deux axes :

  • Un premier est consacré à un état des lieux des caractéristiques des décisions relatives à la fixation d’une, contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (CEEE), à travers une analyse juridique des décisions et une analyse des pratiques des magistrats en matière de fixation de CEEE.
  • Le second axe analyse les conséquences juridiques et économiques de la mise en place du barème proposé par la circulaire du 12 avril 2010.

Ce rapport, qui s’appuie principalement sur l’exploitation d’un échantillon représentatif d’arrêts fixant la CEEE vis-à-vis d’enfants de parents séparés, fournit des éléments d’information et de réflexion permettant d’encadrer les discussions autour de la mise en place d’une table de référence en matière de pension alimentaire.

De l’examen des décisions relatives à la fixation d’une CEEE en appel, on retiendra le caractère plus contesté des questions relatives au montant des pensions alimentaires que celles relatives aux modalités d’organisation de l’autorité parentale, la très faible place de la médiation ou de l’audition de l’enfant en instance d’appel ou encore le fait que la résidence habituelle de l’enfant est massivement fixée chez là mère tandis que la résidence alternée reste très minoritaire.

Le second enseignement tiré de cet examen est qu’il existe une certaine disparité entre les décisions. En effet, l’analyse statistique met en évidence que les montants de CEEE s’expliquent par des facteurs objectifs (les facteurs objectifs contribuant le plus à ces montants étant ceux retenus par le barème : le revenu du débiteur, le nombre d’enfants issus du couple et le temps de résidence de l’enfant) mais également par des facteurs non objectifs (tels que l’assistance d’un avocat, le genre du débiteur, la localisation du TGI, les propositions des parties). Autrement dit, à caractéristiques objectives similaires, des ménages peuvent se voir octroyer des montants différents pour des raisons qui ne relèvent pas de paramètres susceptibles d’’être introduits dans un barème.

L’existence de ces sources de disparité donne alors du crédit à la mise en place d’une table de référence. L’analyse de l’interaction entre la mise en place du barème et la mobilisation des règles juridiques montre que l’introduction de la table de référence diffusée par la circulaire peut être source d’avancées sur le plan juridique. En effet, elle permet d’assurer l’égalité entre tous les enfants du débiteur, quel que soit le lit dont ils sont issus. Elle tend à assurer la priorité de la dette de contribution sur les autres dettes. Elle devrait en outre améliorer la qualité du débat judiciaire en offrant aux juges, aux parties et à leurs conseils une base commune de discussion expressément intégrée dans la décision judiciaire et, partant, favoriser les accords sur le montant de la contribution en même temps que favoriser un meilleur contrôle du juge sur les accords.

Pour sa part, l’analyse des conséquences du barème sur la situation financière des débiteurs et des créanciers met en évidence que le barème favorise plutôt les débiteurs à revenus faibles et intermédiaires. d’une part, et que le taux d’effort supplémentaire demandé aux débiteurs perdants à la mise en place du barème reste raisonnable tandis que l’enrichissement de débiteurs gagnants reste très modéré, d’autre part. Cela étant, il apparaît que le barème a un effet plutôt antiredistributif sur les créanciers au sens où les créanciers à hauts revenus sont plutôt favorisés par le barème, alors que les créanciers à bas revenus sont plutôt défavorisés. La mise en place de la table de référence doit donc conduire à réfléchir à l’articulation entre solidarité privée et solidarité publique en matière de prise en charge du coût de l’enfant pour les familles à bas revenus.