État civil et transidentité Analyse juridique et socio-anthropologique des évolutions législatives

Auteur•rice•s

Laurence HÉRAULT

Publication

Mar. 2021

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 a modifié les conditions du changement de la mention du sexe à l’état civil pour les personnes trans’ en subordonnant celui-ci non plus à de strictes preuves médicales (syndrome du transsexualisme attesté, traitement médico-chirurgical) mais à la démonstration de la possession d’état du sexe revendiqué.

La recherche présentée ici met cette réforme en perspective avec les situations juridiques d’autres États et s’interroge sur les effets de cette réforme sur le rapport au changement d’état civil des acteurs impliqués (personnes trans’, magistrats, avocats, médecins).

Dans les différents droits étudiés, la notion de genre (dimension psychique et sociale) tend progressivement à éclipser celle de sexe (dimension biologique) à l’état civil. Mais la dissociation entre les deux notions reste inaboutie, la mention d’un sexe biologique binaire continuant d’être inscrite dès la naissance. Selon les chercheurs, le droit européen pourrait, à l’avenir, contribuer à parachever ce processus.

La réforme de 2016 a permis aux personnes trans’ de positionner la procédure de changement d’état civil au moment de leur transition où celle-ci devient nécessaire pour atténuer une vulnérabilité administrative et professionnelle, et non plus à l’issue d’un processus médical.

L’ancienne norme de la preuve par le corps, intériorisée par l’ensemble des acteurs, continue toutefois d’imprégner les pratiques ; en témoignent l’utilisation des attestations médicales par magistrats et avocats et la présentation à l’audience des personnes trans’ dans les codes sexués du genre affirmé.

Si le processus médico-judiciaire de transition a historiquement fortement contribué à imbriquer les relations entre médecins et magistrats et à instituer certaines normes (irréversibilité, indisponibilité de l’état de la personne), de nombreux médecins prennent désormais de la distance vis-à-vis de la médicalisation de l’état civil.

Les associations trans’ revendiquent une déjudiciarisation de la procédure de changement de sexe à l’état civil. Pour une minorité des personnes trans’ interrogées, la ritualité de la procédure judiciaire reste cependant importante pour fonder symboliquement la nouvelle identité.

Au-delà de l’enjeu de déjudiciarisation, les chercheurs posent la question de la pertinence de l’évaluation. Le passage d’une procédure évaluative (vérification de la conformité d’une identité sexuée) à une procédure déclarative (engagement à vivre sous l’identité de genre revendiquée) mériterait, selon eux, d’être envisagé.

Voir la recherche n°15.24 « État civil de demain et transidentité »