Sédation profonde et continue jusqu’au décès : de la terminologie des textes législatifs à l’interprétation des professionnels de santé – Quelles appréhensions pratiques ? Étude exploratoire

Auteur•rice•s

Bénédicte BEVIERE-BOYER

Publication

2021

La loi n°2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Léonetti encadre la pratique de la sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès. Ce texte législatif, qui a succédé à la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, bien qu’ayant eu l’objectif d’améliorer le processus législatif sur la fin de vie, particulièrement sur la sédation profonde et continue, reste difficile à appréhender, ce qui montre la difficulté de légiférer dans ce domaine si sensible, complexe et difficile.

L’objectif de cette étude a été d’évaluer la réception et la mise en œuvre des termes choisis par le législateur afin de vérifier si les dispositions légales permettent d’assurer une protection réelle et efficace des personnes en fin de vie. L’enjeu a été de confronter positivement l’analyse juridique du droit à l’analyse pratique du droit par les professionnels de santé, dans un objectif d’interdisciplinarité au service de la protection des patients confrontés à la pratique de la sédation. Ce travail a ainsi eu pour défi de proposer un éclairage sur une problématique, jusqu’à présent, inexplorée : le lien entre les choix terminologiques adoptés par le législateur en matière de sédation et leur interprétation par les médecins exerçant dans trois contextes impactés par la fin de vie : les soins palliatifs, la réanimation et les urgences.

Ce travail de recherche, qui reste exploratoire et qui devrait être approfondi à l’avenir, tend à mettre en exergue la diversité des appréhensions et des interprétations du corpus législatif sur la sédation. Les professionnels de santé rencontrent des difficultés inextricables lorsqu’ils sont confrontés à la mise en œuvre pratique d’un dispositif législatif et règlementaire complexe et malaisé à appréhender. La protection des personnes en soins palliatifs, patients par nature extrêmement vulnérables, se trouve amoindrie puisque, selon les contextes et les interprétations variées des règles, les prises en charge sont différentes, ce qui est contraire à l’égalité de l’accès aux soins. Toutefois, si l’absence d’une définition juridique et médicale de l’expression-clé, et d’autres termes ou expressions de ladite loi, risque de nuire à sa fluidité et à sa compréhension, et laisse une grande marge d’appréciation aux malades, aux médecins et aux juristes, cette dernière peut s’avérer nécessaire pour renforcer la singularité de chaque situation clinique.

Alors même que la proposition de loi n°3806 du 26 janvier 2021 visant à garantir et renforcer les droits des personnes en fin de vie présentée par Mesdames et Messieurs J-L. Touraine, D. Adam, L. Avia et al et la proposition de loi n°3755 du 19 janvier 2021 visant à affirmer le libre choix de la fin de vie et à assurer un accès universel aux soins palliatifs en France présentée par Mesdames et Messieurs M. Brenier, S. Bouchet Bellecourt, M. Minot et al, ont été déposées, l’objectif de cette étude est d’attirer l’attention du législateur, des juristes et des professionnels de santé sur l’intérêt de la pratique sédation profonde, ainsi que sur les limites juridiques du texte de loi actuel qui, sans définir rigoureusement la notion de sédation, énumère des conditions autorisant sa mise en œuvre, sans les expliciter. Or, les définitions sont a priori des instruments de clarification et de compréhension destinées à inciter les professionnels de santé à mieux mettre en œuvre les dispositions légales. Le cas échéant, elles permettent aussi aux autorités de contrôle d’opérer des vérifications plus rigoureuses des pratiques professionnelles au profit de la protection effective des personnes en fin de vie.

Est posée avec une acuité particulière la question de la sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience jusqu’au décès, laquelle interpelle autant la collectivité que les responsables politiques, les institutions et professionnels du droit et de la santé. De nouvelles réflexions pluridisciplinaires s’avèrent nécessaires. Ce rapport présente les premiers résultats issus de notre analyse ainsi que les données brutes, afin que cette étude puisse être reprise ou poursuivie dans l’avenir.