(Se) soigner sous la contrainte : une étude du dispositif de l’injonction de soin

Auteur•rice•s

Virginie GAUTRON

Publication

2017

Sans abandonner les figures traditionnelles de dangerosité que constituent le « fou » et le « junkie », les paniques morales se sont déportées dans les années 1990 sur les délinquants sexuels, plus particulièrement les pédophiles, diabolisés à la suite de plusieurs faits divers défrayant la chronique. Assimilés à de dangereux « prédateurs » inévitablement récidivistes, ceux-ci sont dans le même temps perçus comme des « malades » qu’il faudrait soigner et surveiller sans discontinuer, tant pénalement que médicalement. A la suite de débats impliquant des juristes, des psychiatres et des psychologues, le législateur a donc consacré en 1998 un dispositif spécifique, sous la forme d’un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soin, dont le champ d’application n’a toutefois cessé de s’étendre à d’autres formes de délinquance (violences conjugales, incendies volontaires, etc.). Ce rapport restitue les résultats d’une recherche empirique étudiant la mise en œuvre des injonctions de soin dans le ressort d’un tribunal de grande instance de l’ouest de la France. Cette étude s’appuie sur l’analyse d’une centaine de dossiers d’agents de probation et d’une trentaine d’entretiens auprès de l’ensemble des professionnels impliqués (juges de l’application des peines, magistrats du parquet et des formations de jugement, conseillers d’insertion de probation, psychiatres et psychologues, médecins coordonnateurs). Une première partie vise à déterminer les caractéristiques du public-cible du suivi socio-judiciaire et les critères décisionnels mobilisés par les magistrats concernant le prononcé d’une injonction de soin. La deuxième partie explore le processus d’exécution de ces mesures, en milieu fermé puis en milieu ouvert, à l’aide d’une analyse des pratiques des médecins coordonnateurs, des soignants, des CPIP et des juges de l’application des peines. Elle s’attache également à identifier les modes relationnels des différents intervenants, ainsi que les tensions interprofessionnelles qui subsistent et qui se cristallisent dans une large mesure sur la question du secret médical.

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