L’intime conviction : incidences sur le jugement des jurés et magistrats. Régulations sociocognitives et implications subjectives

Auteur•rice•s

Catherine ESNARD, Laurence LETURMY, Marie-José GRIHOM

Publication

2015

Trois équipes (juristes, psychologues sociaux et psychologues cliniciens) se réunissent autour d’un objectif commun : évaluer les conséquences des dispositions pénales relatives au système judiciaire français et, plus spécifiquement, sur la construction du jugement des jurés et magistrats par une analyse scientifique des incidences de l’instruction d’intime conviction sur la prise de décision judiciaire. Une première partie a consisté en l’étude, dans une perspective historique et interprétative, des textes du code de procédure pénale évoquant l’intime conviction. Une deuxième partie présente un ensemble de travaux relatifs à l’intime conviction chez les magistrats, visant à saisir leur représentations de l’intime conviction et, dans une perspective de psychologie clinique psychanalytique, de leur l’implication subjective dans leur rapport à l’intime conviction. S’appuyant sur une recherche de terrain conduite auprès de magistrats présidents de cours d’assises, a été ensuite initié une réflexion sur la rédaction de la motivation des décisions rendues par ces juridictions. La troisième partie est consacrée aux travaux sur les représentations et incidences de l’intime conviction chez les jurés. Introduites par l’analyse des discours d’anciens jurés, comparés à ceux de citoyens tout-venants, trois études conduites dans une perspective de psychologie sociale expérimentale analysent les régulations sociocognitives et les biais de traitement des informations judiciaires susceptibles d’être induits par l’instruction d’intime conviction chez les jurés. Une synthèse, fruit des regards croisés entre juristes, psychologues cliniciens et psychologues sociaux sur les résultats de ces travaux rend compte des tensions observées entre textes, discours et pratiques, tant chez les magistrats que chez les jurés : l’appel à l’intime conviction, tel que le formulent les textes viendrait à la fois mobiliser un souci de rationalité et mettre en œuvre une logique de confirmation d’éléments. Là où le législateur invite à mettre en contradiction les éléments du procès en faisant appel à la raison, en effectuant un travail sur le raisonnement, magistrats comme jurés réduisent le doute et le conflit psychique généré par un processus de sélection active d’informations. Reflet de l’injonction paradoxale contenue dans l’instruction d’intime conviction, les diverses manières d’éviter le conflit psychique induit par la loi conduisent à ignorer la possible conflictualité au plan cognitif et à aller dans le sens des projections d’intentions personnelles sur l’accusé ou la dite victime. Il semble que l’injonction d’intime conviction vient renforcer le besoin de se défendre de sa subjectivité et entraver l’analyse des motifs intimes impliqués dans la décision. Au vu de ces éléments, ainsi que des analyses conduites sur la rédaction de la motivation des décisions de cours d’assises, des révisions marginales des textes légaux encadrant l’instruction d’intime conviction sont proposées.