L’européanisation croissante du droit a eu pour conséquence assez immédiate de créer un double mouvement qui a eu un impact significatif sur les professions juridiques et judiciaires des États membres de l’Union européenne. Ces professions sont en effet devenues les acteurs principaux de la mise en œuvre du droit de l’Union européenne en même temps qu’elles en ont été les destinataires, dès lors qu’elles étaient considérées comme exerçant des activités susceptibles d’entrer dans le champ d’application du droit de l’Union européenne.
Dans ce contexte singulier, s’interroger sur les professions juridiques et judiciaires libérales au sein de l’Union européenne se révèle une nécessité, la question centrale étant celle consistant à se demander si la construction du marché intérieur et plus généralement l’européanisation du droit conduit ou non, inéluctablement, à une standardisation de l’organisation et du fonctionnement des professions juridiques et judiciaires européennes.
La réponse à cette très vaste question a impliqué une réponse nuancée et articulée en trois temps.
Il était tout d’abord indispensable de dresser un panorama des professions juridiques et judiciaires au sein de l’Union européenne. Dans un contexte de diversité des systèmes juridiques, cette connaissance de la structuration et du fonctionnement général des professions juridiques et judiciaires apparaissait indispensable. Trois principaux modèles ont ainsi été identifiés et étudiés : le modèle continental, le modèle anglo-saxon et enfin le modèle scandinave. Au terme de l’analyse, des différenciations marquées ont pu être constatées entre ces modèles mais également en leur sein même. De manière plus inattendue, des éléments de rapprochement tout aussi marquants ont pu être mis en exergue.
Il convenait ensuite de mesurer l’impact du droit de l’Union européenne sur les professions juridiques et judiciaires. Cet impact est réel et aboutit dans une certaine mesure à un rapprochement du régime juridique applicable aux professions juridiques et judiciaires. Tel est le cas notamment dans le champ de la reconnaissance mutuelle des diplômes et des qualifications professionnelles et plus généralement dans les domaines relevant du marché intérieur (libre établissement et libre prestation de services). L’impact du droit européen de la concurrence est également manifeste même s’il est souvent plus indéterminé. Pour autant, cette influence ne doit pas être surévaluée. Le droit de l’Union européenne n’aboutit pas et surtout n’implique pas, pour l’heure, une harmonisation complète de la structuration et du fonctionnement des professions juridiques et judiciaires européennes.
Enfin, l’étude des professions juridiques et judiciaires européennes ne pouvait se passer d’une analyse de la valorisation de leur « office européen ». La construction d’une Europe du droit a en effet abouti à un renforcement très net des professions juridiques et judiciaires comme acteur de la mise en œuvre du droit européen. Plus qu’à une harmonisation structurelle des professions juridiques et judiciaires, on a assisté à un développement pragmatique des outils, on a assisté à un développement pragmatique des outils, institutionnels (mise en place d’instances de représentation européennes des professions, développements des réseaux disciplinaires) et matériels (développement des règles de coopération judiciaire civile, européanisation du droit privé transfrontière), qui leur permettent d’encadrer et de réguler les relations juridiques qui se nouent dans l’espace juridique européen.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Les professions juridiques et judiciaires en Europe