La relation juge-expert. Variables et tendances dans les contentieux sanitaires et environnementaux

Auteur•rice•s

Eve TRUILHE-MARENGO

Publication

2010

La recherche, qui retenait une approche juridico-institutionnelle classique, se proposait d’aborder les enjeux de l’expertise judiciaire dans un domaine spécifique qu’est le domaine sanitaire et environnemental. Pour assurer la cohérence des recherches individuelles menées dans les ordres juridiques international, communautaire et national, une grille d’analyse commune, a été déterminée dès le début des travaux. Quelles sont les règles entourant le recours à l’expertise ? Comment sont désignés les experts ? Quelle est la teneur de la question posée à l’expert, existe-t-il des critères de recevabilité de l’expertise ? Quelle est la suite donnée au résultat de l’expertise par le juge ? Pour répondre à ces questions, nous avons décidé de conjuguer des analyses transversales à des études de cas, permettant d’établir plus facilement des éléments de comparaison. Le résultat des travaux s’articule autour de deux grands axes : celui des conditions du recours à l’expert en matière sanitaire et environnementale et celui de la portée de l’expertise dans la construction du jugement. Les travaux ont fait ressortir une grande variabilité des conditions et des pratiques du recours à l’expert par les juridictions étudiées. Mais, dans le même temps, une tendance semble pouvoir être constatée vers une progressive harmonisation des contenus. Il apparaît que les craintes suscitées par l’explosion du phénomène expertal ont conduit à un renforcement des procédures et à une certaine harmonisation de celles-ci à l’échelle internationale, et plus sûrement européenne. N’ayant pas les moyens d’apprécier la valeur des données scientifiques produites, le juge pratique un contrôle étendu sur le respect des conditions procédurales : respect des exigences en matière d’évaluation des risques, proportionnalité, respect des délais… S’agissant du rôle que joue l’expert dans la décision finale, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il s’agit d’un rôle à géométrie variable. Variables, qui semblent pouvoir être rangées dans deux catégories : les variables institutionnelles (office du juge, contexte de la demande d’expertise) et matérielles de l’autre. Et, du point de vue matériel, l’extension du rôle de l’expert semble conduire à un renforcement de l’autonomie du juge. Parce que les contentieux environnementaux et sanitaires se nouent dans un contexte d’incertitude scientifique, plus ou moins épaisse, ils court-circuitent l’expert dans sa fonction de soutien principal à la décision, invitant finalement le juge à décider seul et en fonction d’éléments extra-scientifiques. Si l’expertise constitue un soutien toujours plus important quantitativement et qualitativement au service d’un juge qui en dépend techniquement, celui-ci s’avère finalement être toujours plus indépendant judiciairement.

La relation juge-expert dans les contentieux sanitaires et environnementaux, Eve Truilhé-Marengo, Paris, La Documentation française, 2011, ISBN : 978211008664

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Expertise judiciaire