La prison face au vieillissement. Expériences individuelles et prise en charge institutionnelle des détenus « âgés »

Auteur•rice•s

Aline DESESQUELLE, Caroline TOURAUT

Publication

2015

En France, c’est dans les années 1990 que s’amorce une augmentation du nombre de personnes âgées en prison. Au cours de cette décennie, la part des 50 ans ou plus dans la population écrouée est passée de 5,0% à 10,6%, avant de se stabiliser depuis 2007. Au 1er janvier 2014, 11,7% des personnes écrouées étaient âgées d’au moins 50 ans (soit 9144 personnes) et 3,7% d’au moins 60 ans (soit 2903 personnes).

Cette recherche porte sur le vieillissement et la perte d’autonomie en prison. Nous avons réalisé 140 entretiens semi-directifs avec des détenus âgés de 50 ans ou plus, des surveillants, des infirmières et des personnels des unités sanitaires, et des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, dans quatre établissements français très différents.

Le rapport comprend trois parties. Nous commençons par nous interroger sur les spécificités des détenus âgés, en termes de profil sociodémographique et judiciaire, mais aussi du point de vue de leur traitement pénal et pénitentiaire. La deuxième partie présente une typologie qui rend compte des manières de vivre l’expérience de la prison des détenus âgés de 50 ans ou plus selon leur parcours de vie. L’analyse distingue la situation des détenus entrés tardivement en prison après une vie « dans la norme » de celle des détenus incarcérés depuis de longues années ou ayant connu la prison à de nombreuses reprises. La recherche montre aussi la vulnérabilité, l’isolement et la sédentarité des détenus âgés en prison qui se sentent décalés par rapport aux détenus plus jeunes. La troisième partie traite de la prise en charge de la perte d’autonomie et de la préparation de la sortie des détenus âgés. L’étude montre l’insuffisance des moyens matériels et humains pour accomplir les nombreuses tâches de nursing et de care dont les détenus en situation de perte d’autonomie ont besoin. Ces tâches sont souvent assurées par des codétenus, ce qui soulève de nombreuses questions. Des partenariats avec des structures extérieures sont parfois mis en place. Une fois les réticences de ces structures vaincues, les contraintes du fonctionnement de la détention ne facilitent pas l’intervention des auxiliaires de vie. L’ouverture de quartiers réservés aux personnes en situation de perte d’autonomie ne résout pas tous les problèmes.

La préparation de la sortie est plus ou moins complexe selon le parcours des détenus. Les professionnels s’estiment mal formés pour les aider. L’élaboration d’un projet de sortie pour des personnes souvent isolées, pour lesquelles le travail peut difficilement occuper une place centrale, et qui sont nombreuses à avoir commis une infraction à caractère sexuel, est problématique. La pénurie de structures d’hébergement pour personnes âgées et, pour les plus jeunes, le fait que l’hébergement soit souvent conditionné à un travail, sont des obstacles importants.