La fabrique d’une légalité administrative. Sociologie du médiateur de la République

Auteur•rice•s

Anne REVILLARD

Publication

2011

Cette recherche se propose de contribuer à l’étude des pratiques de médiation institutionnelle et des ordres normatifs qui en émergent à partir du cas du Médiateur de la République, version française d’une institution ayant connu une forte diffusion à travers le monde dans la deuxième moitié du XXe siècle, l’ombudsman.

Créé en 1973, le Médiateur a pour vocation de recevoir les réclamations d’usagers en litige avec des administrations ou organismes publics, tous secteurs confondus. L’institution instruit ces réclamations en relation avec les administrations concernées, et peut formuler sur cette base des propositions de réformes. Pour ce faire, le titulaire de la fonction, nommé en Conseil des ministres pour un mandat de 6 ans, dispose de services centraux (réunissant une centaine de personnes) au siège parisien de l’institution (« Médiature »), ainsi que d’un réseau de 286 délégués bénévoles qui assurent la réception des plaintes au niveau local par la tenue de permanences deux demi-journées par semaine dans des préfectures ou des structures de proximité (Point d’accès au droit, Maison de la justice et du droit…). Après 38 ans d’existence, l’institution vient d’être intégrée, conjointement avec trois autres autorités administratives indépendantes (la HALDE, la Défenseure des enfants et la CNDS), dans un nouveau « Défenseur des droits » mis en place en 2011 dans le prolongement de la réforme constitutionnelle de juillet 2008.

A distance d’une approche strictement juridique, nous nous proposons dans cette recherche d’éclairer l’ordre normatif produit par le Médiateur à partir d’une démarche de sociologie de l’institution, fondée sur un travail d’investigation empirique approfondi. Il s’agit d’étudier l’institution, d’abord dans sa genèse (étude du processus historique de construction de l’institution, principalement à partir de ses rapports annuels), puis à partir des acteurs et des pratiques qui la « font » au quotidien : agents des différents secteurs de la Médiature, mais aussi délégués, qui constituent le point de contact avec l’institution pour la majorité des requérants. C’est à partir de l’étude des processus de traitement des plaintes, des routines organisationnelles, des normes professionnelles et des trajectoires des acteurs que nous nous proposons de saisir et d’expliquer le sens de l’action institutionnelle.

Concrètement, l’enquête de terrain a combiné réalisation d’entretiens avec des agents du siège et des délégués, consultation de dossiers instruits par l’institution, observation de permanences et de sessions de formation des délégués, ainsi que d’autres observations ponctuelles, telles que celle de deux rencontres internationales d’ombudsmans co-organisées par le Médiateur.

L’enquête centrée sur l’institution s’est doublée d’une mise en perspective de cette action institutionnelle au prisme de deux secteurs de l’action publique : le droit des étrangers et les politiques du handicap.

Révélatrice de processus plus généraux de construction institutionnelle, cette recherche donne à voir l’institution actuelle comme le résultat de l’empilement de divers dispositifs organisationnels (territorialisation prenant appui sur des supports variables, intégration de dispositifs de médiation sectoriels…) et contenus normatifs (lutte contre la « maladministration », équité, défense des droits). Cette institution aux facette plurielles est notamment marquée par un contraste entre la posture de défense des droits affirmée et fortement publicisée à son sommet et l’entreprise plus modérée et plus discrète de fabrique d’une légalité administrative à laquelle travaillent les agents chargés de l’instruction des plaintes au quotidien.

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Ordres professionnels et autorités de régulation