Cette recherche propose une étude de la délinquance qui se déploie au sein des établissements pénitentiaires lorsque cette délinquance est susceptible de conduire au prononcé de peines nouvelles qui allongent le temps d’incarcération. Cette « délinquance carcérale » correspond à un phénomène bien connu des professionnels du milieu pénitentiaire mais peu documenté et jusqu’alors délaissé par les chercheurs. Ce travail de recherche mené par une équipe pluridisciplinaire offre un regard pluriel sur le phénomène, à la rencontre du droit, de la sociologie et de la psychologie. Outre la recension de la littérature pertinente dans les trois champs disciplinaires, la méthodologie a consisté en la réalisation d’entretiens, plus ou moins formalisés en fonction de leur objet, avec des acteurs du terrain, essentiellement au sein de l’administration pénitentiaire et de l’institution judiciaire. Une autorisation d’accès a été accordée par la direction de l’administration pénitentiaire pour plusieurs établissements relevant de trois directions interrégionales (Ile de France, Ouest, Nord). Les enjeux de la délinquance carcérale sont nombreux et importants, notamment en termes de prévention des violences, de gestion de la détention ou de conditions d’intervention de l’autorité judiciaire. Administration pénitentiaire, services de santé, Ministère public, juges de l’application des peines, juges des juridictions pénales : tous ces acteurs sont mobilisés pour réagir à cette délinquance particulière. Ainsi, la coïncidence entre infractions disciplinaires et infractions pénales peut parfois conduire à de multiples réactions en conséquence d’un même comportement, toutes concourant à allonger le temps d’incarcération. Il peut s’agir, du côté de l’administration pénitentiaire, d’une sanction disciplinaire, de l’affectation vers un régime de détention plus strict, voire un transfert vers un autre établissement ; le juge d’application des peines pourra quant à lui refuser une permission de sortir, une réduction de peine ou encore un aménagement de peine. Cette configuration originale des réactions institutionnelles peut s’apparenter à un cumul des mécanismes répressifs susceptibles de révéler les limites du système pénal : respect du principe non bis in idem, proportionnalité de la répression mais plus largement aussi, sens de la peine et fonction de la privation de liberté carcérale. Toutes les disciplines engagées dans cette recherche imposaient un séquençage de la recherche sur le fond en deux temps : il importait de comprendre la manière dont l’institution carcérale elle-même appréhende les infractions commises en détention, avant d’envisager leur traitement par le système judiciaire. Ont été observées en matière pénitentiaire comme en matière judiciaire des limites et des paradoxes dans la prise en charge de cette délinquance, permettant de mettre en lumière le sentiment d’impasse auquel sont souvent confrontés les acteurs concernés.
English version – Résumé en anglais
Prison Delinquency through Internal Sentences This research proposes a study of the delinquency which occurs within penitentiary establishments when this delinquency is likely to lead to the imposition of new sentences which lengthen the time of incarceration. This “prison delinquency” corresponds to a phenomenon well known to prison professionals but poorly documented and until now neglected by researchers. This research work carried out by a multidisciplinary team offers a plural perspective on the phenomenon, at the intersection of law, sociology and psychology. In addition to the review of the relevant literature in the three disciplinary fields, the methodology consisted of carrying out interviews, more or less formalized depending on their subject, with actors in the field, mainly within the prison administration and the judicial institution. Access authorization was granted by the prison administration direction for several establishments belonging to three interregional directorates (Ile de France, West and North). The challenges of prison delinquency are numerous and important, particularly in terms of prevention of violence, management of detention or conditions of intervention by the judicial authority. Prison administration, health services, public prosecutor, sentencing judges, criminal court judges: all these actors are mobilized to react to this particular delinquency. The challenges of prison delinquency are numerous and important, particularly in terms of prevention of violence, management of detention or conditions of intervention by the judicial authority. Prison administration, health services, public prosecutor, sentencing judges, criminal court judges: all these actors are mobilized to react to this particular delinquency. Thus, the coincidence between disciplinary offenses and criminal offenses can sometimes lead to multiple reactions as a result of the same behavior, all contributing to lengthening the time of incarceration. For the prison administration, this may involve a disciplinary sanction, assignment to a stricter detention regime, or even a transfer to another establishment; the sentence enforcement judge may refuse a temporary absence, a sentence reduction or even a sentence adjustment. This original configuration of institutional reactions can be compared to an accumulation of repressive mechanisms likely to reveal the limits of the penal system: respect of the principle non bis in idem, proportionality of repression but also more broadly, the meaning of the sentence and the function of the deprivation of prison liberty. All the disciplines involved in this research required a sequencing of the research in two stages: it was important to understand the way in which the prison institution itself approaches offenses committed in detention, before considering their treatment by the system judicial. Limits and paradoxes in the management of this delinquency were observed in penitentiary system as in judicial system, making it possible to highlight the feeling of impasse which the actors concerned are often confronted with