Éthique et TIC. A quoi sert l’Ordre des avocats ?

Auteur•rice•s

Benoit BASTARD

Publication

2016

Avec la collaboration d’Anne  Boigeol, Patricia Benech-Le Roux, Ludovic Jamet, Antoine Printz

Ce document présente les résultats d’une recherche portant sur la régulation de la profession d’avocat et le rôle de l’Ordre professionnel. Alors que la profession a connu des mutations considérables en quelques décennies – l’explosion du nombre de ses membres, l’intégration de nouveaux groupes professionnels, l’internationalisation d’une partie de ses activités, il est pertinent d’interroger la place qu’occupent aujourd’hui les instances de la profession. Qu’est-ce que l’Ordre aujourd’hui ? Une institution un peu surannée qui s’inscrit dans des traditions certes séculaires, mais devenues peu à peu périphériques eu égard aux changements de la profession ? Ou bien une organisation performante, capable de porter une vision du monde légal et de faire que les avocats
conservent la place qu’ils occupent dans la représentation des intérêts économiques et la défense des accusés autant que des victimes ? Pour évoquer le rôle de l’Ordre à partir d’éléments concrets, on a choisi de considérer plus spécialement deux domaines qui recouvrent des transformations significatives s’agissant du rôle de l’Ordre, l’éthique et la déontologie d’une part, et les nouvelles technologies d’autre part. L’enquête réalisée a porté sur trois barreaux, celui de Paris, un barreau de taille moyenne (près de 500 avocats) et un barreau de 70 avocats. Elle s’est appuyée sur des entretiens, des observations ainsi que sur le dépouillement d’un ensemble de dossiers disciplinaires confiés par chacun des trois barreaux. L’ensemble de ces données a fait l’objet d’une exploitation systématique et est présenté, dans le cadre du présent document, sous une forme anonyme.
Le travail sur le numérique montre que les avocats considèrent l’innovation comme une nécessité et comme une évidence. Les avocats plaidants, perçoivent surtout les complications qui ont accompagné la dématérialisation des procédures et les difficultés qui se posent. Mais le sens de ces transformations, l’impact qu’elles peuvent avoir sur la vie judiciaire et la manière de rendre la justice ne sont jamais questionnées. Le travail sur l’éthique et la déontologie suggère que la revendication partagée d’une éthique commune de la profession recouvre en réalité des modalités extrêmement différenciée de l’usage des principes qui président à l’exercice de la profession. Rien de commun entre les avocats d’affaires, qui valorisent essentiellement la confidentialité et
le quotidien des avocats judiciaires, faits de confrontations avec les confrères, avec des clients difficiles, etc. Quant à l’analyse des dossiers disciplinaires, elle montre que deux catégories d’avocats, principalement, sont sanctionnés : des paumés et des voyous. Elle suggère aussi que la régulation qui s’effectue ne touche que les marges de la profession, les dysfonctionnements sanctionnés étant exclusivement conçus comme le résultat d’une déviance individuelle. La recherche souligne qu’au moment où l’évolution de la profession ne fait qu’accroître sa segmentation, une réflexion plus générale s’impose sur les questions que pose la régulation d’un tel ensemble et sur la place que pourra occuper l’Ordre dans le futur.

Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : AO Une recherche sur la régulation de la profession d’avocat à travers un examen de l’activité et des missions des ordres vis-à-vis des clients, des confrères et des juridictions