En doctrine, il est habituel de lire que la CRPC concentre différents intérêts : elle permet un gain de temps grâce à l’absence de débats sur la culpabilité, elle participe à une accélération des procédures et au désengorgement des tribunaux, elle contribue à la réinsertion du délinquant qui a spontanément reconnu les faits et accepté par avance la peine prononcée contre lui. Des effets pervers, toutefois, seraient à déplorer, notamment le risque est que, pour garantir l’efficience de la procédure, le procureur de la République ne propose une peine très inférieure à celle qu’un tribunal correctionnel aurait pu prononcer.
La recherche empirique menée auprès de huit juridictions, par l’observations du déroulement des audiences parquet et des audiences d’homologation d’une part, par des entretiens individuels semi-directifs avec des magistrats du parquet, des magistrats du siège, des personnels de greffe et des avocats d’autre, a pour objet, sous la forme d’un bilan tiré des pratiques analysées, de vérifier la pertinence de ces affirmations. Retranscrivent-elles la réalité vécue par les acteurs de la justice ou s’apparentent-elles davantage à des idées reçues, des présupposés que la pratique viendrait, en tout ou partie, nuancer, peut-être contredire ?
La réponse ne peut qu’être nuancée tant il ressort il apparaît que l’unicité du modèle légal de la CRPC prend corps dans une variété d’applications locales, obligeant à dépasser l’unité pour penser la diversité. Sa traduction est en effet différente, selon des degrés divers, d’une juridiction à l’autre, même d’un magistrat à un autre. Aux points de convergence des pratiques (par exemple, le contentieux concerné, l’acceptation des parquets de « négocier » la peine proposée, …) s’opposent en effet d’importantes disparités, notamment quant au profil des prévenus concernés, au recours à la CRPC-défèrement, à l’usage de la double convocation.
La réponse est d’autant plus complexe que les praticiens ont, eux-mêmes, des avis contrastés sur l’efficacité de la CRPC. Selon les uns, cette procédure « fonctionne vraiment très bien. On sort en général d’une audience avec le sentiment d’un travail bien fait, compris et accepté. » Les autres sont plus dubitatifs : la célérité recherchée, fondement de cette procédure, n’est pas toujours au rendez-vous et la CRPC ne remplit qu’imparfaitement la vertu pédagogique qu’on lui prétend.
Surtout, les chiffres annoncés des taux d’homologation avoisinant, quelle que soit la juridiction, un pourcentage de 100 %, doivent être interprétés avec prudence. Car ce n’est pas là la mesure de la réussite de la CRPC dans son ensemble mais uniquement le taux de succès des seuls dossiers qui parviennent jusque devant les juges de l’homologation. Or, le cours de la procédure est source de déperditions importantes, principalement dues à l’absence des prévenus au jour de l’audience parquet et à leur absence de diligences, en amont, pour prendre attache auprès d’un avocat. Finalement, le taux d’échec est important.
Que la réception de la CRPC soit diverse s’explique par le contexte local. Celui-ci n’est évidemment pas étranger aux choix de politique pénale, selon le type de délinquance à juger en fonction des territoires, selon aussi les moyens dévolus à la juridiction. Il n’est toutefois pas seul facteur. La prospérité de la CRPC, inégalement constatée, est également étroitement interdépendante de la posture de ses acteurs. Des avocats bien sûr, selon qu’ils perçoivent dans le recours à cette procédure simplifiée un intérêt, le plus souvent évalué à la lumière de la nature et du quantum de la peine proposée, pour leur client ou non. Dans le premier cas, ils l’inciteront à accepter, dans le second ils essayeront de l’en dissuader. Mais avant tout des magistrats. Leurs représentations de ce que doit être la justice, entre une figure traditionnellement verticale et un modèle qui là « s’horizontalise » et, de manière liée, leur conception du rôle qui est le leur, entre celle « figée » – requérir pour les uns, juger pour les autres – ou celle, à l’inverse, évolutive –accepter de discuter pour les premiers, accepter que de n’homologuer (ou non) pour les seconds -, sont autant de paramètres desquels, directement, dépend l’efficience de la procédure de CRPC. C’est qu’en effet, cette procédure oblige, plus que les autres, à une évolution des « schémas des pensées » tant son succès repose, avant tout, sur sa première étape. C’est à ce stade, le stade parquet, que, de facto, les dossiers sont « jugés » – ce qui suppose l’assurance pour l’avocat d’une peine d’un quantum inférieur à celle qui serait requise à l’audience ou, à tout le moins, d’une proposition de peine qu’il sait pouvoir discuter – même si, de jure, l’ordonnance d’homologation a, seule, les effets d’un jugement de condamnation – alors pourtant que le juge ne détermine plus la peine et que pour lui, contraint par un choix binaire, la question n’est finalement pas « est-ce que j’homologue ?», mais bien davantage « pour quels motifs ne devrais-je pas homologuer ?»
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – Bilans et perspectives