L’âme du corps. La magistrature française dans les années 2010

Auteur•rice•s

Yoann DEMOLI, Laurent WILLEMEZ

Publication

Jan. 2020

L’enjeu de cette recherche, à la fois qualitative et quantitative, est d’objectiver la morphologie du corps des magistrat.es en remettant à jour de manière inédite les résultats des enquêtes réalisées dans les années 1980 et 1990 par Jean-Luc Bodiguel et Anne Boigeol. Il s’agit aussi d’explorer les conditions de travail et les représentations du métier de ses membres.

Il en ressort que la magistrature reste une profession d’élite dont les membres ont des origines sociales relativement élevées et sont le plus souvent en couple avec des conjoints qui leur ressemblent.

Le deuxième concours, qui recrute pour un tiers parmi les classes populaires salariées et les petits indépendants et pour un quart parmi les classes moyennes, reste la voie d’accès à l’École nationale de la magistrature (ENM) qui offre les meilleures perspectives de mobilité sociale pour les candidats et de démocratisation de ce corps d’élite.

Les juges se distinguent par une forte féminisation, laquelle dissimule toutefois des inégalités pérennes entre les carrières des unes et des autres.

Au-delà de l’hétérogénéité des lieux et des conditions de travail, l’activité magistrate est marquée par le débordement temporel ainsi que des difficultés d’articulation entre travail et vie privée. Tensions et difficultés sont particulièrement aiguës pour les magistrat.es les plus jeunes travaillant de façon solitaire.

Si la mobilité géographique et fonctionnelle semble être une caractéristique générale de la profession, au point qu’elle en constitue un élément institutionnel fort, c’est parce qu’elle rend possible, statutairement, la promotion. Mais cette mobilité est limitée par les contraintes familiales des magistrat.es mais aussi par leurs dispositions professionnelles, appétences à tel contentieux, à telle spécialisation.

Les mécanismes institutionnels de production de l’identité de magistrat, la relative ressemblance entre toutes les carrières et les hiérarchies symboliques qui structurent le groupe forgent « l’âme du corps ». C’est en grande partie l’ENM qui façonne cette âme mais les chercheurs l’ont également retrouvée dans les pratiques professionnelles et les conditions de travail.

Pour dresser ces constats, ils se sont appuyés sur une quarantaine d’entretiens avec des magistrat.es, 1 200 réponses à un questionnaire diffusé auprès d’eux par le ministère de la Justice ainsi que sur l’analyse du fichier exhaustif des quelque 8 300 professionnels en poste au 1er janvier 2018.

« L’âme du corps. La magistrature française dans les années 2010 », rapport de recherche de Yoann Demoli et Laurent Willemez, enseignants-chercheurs à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (laboratoire PRINTEMPS) soutenu par la Mission de recherche Droit et Justice.

Voir la recherche n°16.11 « L’âme du corps. La magistrature française dans les années 2010 : morphologie, mobilité et conditions de travail. »