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Résidences Adamas 2023 : favoriser les échanges sur les problèmes de notre temps

À l’occasion de la troisième édition des Résidences Adamas, l’IERDJ s’est entretenu avec Olivier Leclerc, directeur de recherche CNRS au Centre de théorie et analyse du droit, membre du conseil d’administration du Centre culturel de rencontres de Goutelas et ancien membre du conseil scientifique de l’IERDJ (anciennement MRDJ) entre 2018 et 2022.

Olivier Leclerc
©FredericPlas

C’est ce que permettent les résidences Adamas à Goutelas : travailler dans un lieu inspirant pour penser ses propres projets dans une perspective humaniste, avec un croisement entre recherche et art.

Olivier Leclerc
Les Résidences Adamas 2023 ©chateaudegoutelas

Goutelas fait ainsi partie des lieux dans lesquels on parle du droit de manière démocratique, avec une ouverture sociale autour des questions juridiques. On pourrait dire qu’il s’agit d’un « laboratoire du droit » au sein duquel les réflexions sur le droit n’associent pas que des juristes et s’inscrivent dans un projet culturel qui comporte des dimensions artistiques indissociables de la réflexion sur le droit.

Olivier Leclerc
Garance Navarro-Ugé, mention spéciale du Prix Jean Carbonnier 2022 et juriste einvitée aux Résidences Adamas 2023. ©claireruizphotographie

« Entre les épais murs de Goutelas, on décloisonne la pensée pour avancer en commun. On décentre le regard dans un heureux esprit de rencontre entre artistes, juristes, foreziennes et foreziens et celles et ceux qui font vivre le lieu, des cuisines à l’administration. La résidence Adamas fut un moment hors-temps, moins formel que l’Université et laissant un sentiment de détente, alors que, pourtant, le travail intellectuel est allé plus loin encore, donnant goût et sens à la recherche.

Garance Navarro-Ugé
Les Résidences Adamas 2023 ©chateaudegoutelas
Les Résidences Adamas 2023 ©chateaudegoutelas

Les résidences ADAMAS accueillent chaque année entre quatre et six jeunes chercheurs en droit, lauréats de prix de thèse. Quel est votre rôle au sein de ces résidences ?

Les résidences Adamas sont organisées depuis 2021 au Centre culturel de rencontres de Goutelas. Les résidences en sont donc cette année à leur troisième édition. Lorsque Mireille Delmas-Marty, amie de longue date du centre culturel, a initié ce projet, j’étais déjà membre du conseil d’administration du Centre culturel et j’ai contribué à la conception des résidences. J’en assure l’animation, avec d’autres juristes impliqués dans les activités du centre culturel et en lien avec l’équipe professionnelle de Goutelas qui prend en charge la logistique, veille aux partenariats, apporte son savoir-faire en matière de projet culturel. Les résidences Adamas s’intègrent bien dans le projet d’ensemble du centre culturel de Goutelas, qui a toujours été de favoriser de la manière la plus large les échanges sur les problèmes de notre temps.

Que proposent concrètement ces résidences aux jeunes chercheurs ?

Ce que l’on peut apporter ce ne sont ni une bibliothèque ni des discussions scientifiques spécialisées, vu la diversité d’horizons des résidents ! Goutelas est d’abord un cadre exceptionnel, dans un très bel environnement, qui permet de nouer des relations pérennes et constructives. J’ai la conviction que les rencontres qui s’y tiennent ont un intérêt pour la recherche, même s’il est difficile de prévoir précisément ce qui se concrétisera à partir des résidences. Ce que l’on peut dire en revanche, c’est que se constitue un réseau de jeunes chercheurs qui auront partagé cette expérience et cette ouverture. Grâce au book des résidents que nous éditons et qui se complète au fil des ans, ces chercheurs peuvent facilement être en lien les uns avec les autres et, peu à peu, des relations scientifiques se structurent, faisant naître des projets. De fait, nous savons déjà que les résidents des années écoulées continuent à dialoguer entre eux et avec les résidents des années suivantes.

Par ailleurs, comme l’indique son label (« Centre culturel de rencontre »), Goutelas est un lieu de rencontre et d’échange. Les jeunes docteurs y font connaissance avec des homologues, jeunes chercheurs aussi, mais qui travaillent sur des sujets différents de sorte que sans ces résidences, ils n’auraient peut-être jamais eu l’occasion de se croiser ! Ces jeunes chercheurs ont également des interactions avec des artistes qui sont en résidence en même temps qu’eux, et avec des gens qui ne sont pas des juristes ou qui sont des juristes non universitaires. C’est ce que permettent les résidences Adamas à Goutelas : travailler dans un lieu inspirant pour penser ses propres projets dans une perspective humaniste, avec un croisement entre recherche et art.

« Humanisme, droit, création » : pouvez-vous préciser ce que cela signifie ?

Le label de Centre culturel de rencontre (CCR) est décerné par le ministère de la Culture à des lieux qui allient un patrimoine bâti remarquable (ici c’est un château Renaissance) et un projet culturel autour de la rencontre. Pour schématiser, les CCR sont des lieux patrimoniaux qui vivent par les échanges. Les CCR sont assez peu nombreux : 23 en France et 17 à l’étranger. Goutelas se singularise à deux égards, d’une part par sa thématique autour du droit, d’autre part, parce qu’autour de son objet « humanisme, droit, création » se rencontrent des universitaires et des gens du droit, mais aussi des personnes venant d’horizons professionnels et personnels très variés. Goutelas fait ainsi partie des lieux dans lesquels on parle du droit de manière démocratique, avec une ouverture sociale autour des questions juridiques. On pourrait dire qu’il s’agit d’un « laboratoire du droit » au sein duquel les réflexions sur le droit n’associent pas que des juristes et s’inscrivent dans un projet culturel qui comporte des dimensions artistiques indissociables de la réflexion sur le droit. Ce projet culturel d’ensemble reflète l’idée qu’il doit être exigeant et accessible à tous, et que chacun doit pouvoir y apporter sa pierre. On parle aujourd’hui volontiers de droits culturels pour désigner cette idée. Avec les résidences Adamas, on espère montrer aux jeunes chercheurs le bénéfice qu’il y a à penser leurs objets juridiques en lien avec la société et à interagir avec des gens qui ne sont pas des professionnels ni des universitaires du droit.

Comment les partenaires des résidences Adamas, en particulier l’IERDJ, ont-ils pris part à ce projet ?

Nous sommes très fiers des partenariats qui existent : le Conseil constitutionnel, l’Association internationale de droit économique, l’Académie internationale des principes de Nuremberg et l’IERDJ qui proposent à leurs lauréats de prix de thèse de participer aux résidences. Tous ces partenaires, chacun à sa manière, partagent avec Goutelas une double intention : celles de prêter attention, au-delà des questions juridiques, aux enjeux sociaux et politiques, et d’être ouvert à l’interdisciplinarité et à l’international. Le lien social se construit dans le fait d’être ensemble pour faire des choses ou échanger : c’est très important ! Nos résidents exerceront bien sûr leur activité professionnelle de la façon qu’ils souhaitent mais l’idée est de faire germer la possibilité qu’ils soient des juristes engagés dans le monde. Les résidents pourront porter ce message dans leur vie professionnelle et ils sauront la valeur qu’ont ces rencontres-là.

Il y avait une forme d’évidence de proposer à l’IERDJ de s’associer aux résidences Adamas. D’abord cet Institut est devenu central dans le milieu des juristes universitaires. Ensuite, les prix Carbonnier et Vendôme sont très visibles. Enfin, l’IERDJ accompagne des travaux scientifiques en promouvant l’interdisciplinarité, l’ouverture internationale et des objets de recherche faisant écho aux problèmes de l’époque. Ce sont aussi les axes de Goutelas.

Quels ont été les temps forts des résidences cette année ?

Les résidences ont commencé par un séminaire d’accueil, animé par Antoine Jeammaud (ancien professeur de droit aux universités de Saint-Etienne et Lyon 2, ancien administrateur du Centre culturel de Goutelas), auquel ont participé les chercheurs accueillis, Arnaud Théval, artiste plasticien qui travaille sur les assignations et l’enfermement, et Alain Kerlan, philosophe qui partage un projet avec lui. Chacun a présenté son travail et d’emblée, malgré la diversité des travaux de recherche, des questionnements communs sont apparus, par exemple sur la méthode ou sur l’appréhension des terrains. Le second temps fort est celui de l’enregistrement de capsules vidéo où chaque jeune chercheur expose les résultats de ses recherches, les enjeux et les apports de sa réflexion. Ces enregistrements sont à destination, non de spécialistes, mais d’un public curieux et intéressé. Enfin, les résidences se sont achevées par un séminaire de clôture associant les résidents juristes et Arnaud Théval au cours duquel ont été mises en parallèle la recherche en droit et la création artistique, qui ont bien des choses en commun !

Propos recueillis par Anne-Sophie de Lamarzelle

Les résidences Adamas sont un programme européen de résidences pour chercheurs et chercheuses en droit organisées par le Centre culturel de rencontres de Goutelas en partenariat avec l’IERDJ, le Conseil constitutionnel, l’Académie internationale des principes de Nuremberg et l’Association internationale de droit économique.

Retrouvez le book des résidences

Retrouvez également les entretiens vidéo de Mathieu Carniama, Augustin Gridel, Garance Navarro-Ugé et Marie Wilmet

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