La valeur des recommandations de gouvernance d’entreprise, telles qu’elles figurent dans les codes éponymes, ne se laisse pas facilement appréhender. D’un point de vue juridique, la querelle introduite par les tenants du courant pluraliste des sources du droit montre que l’alternative juridique / a-juridique mériterait d’être dépassée. Il conviendrait plus sûrement de situer la norme sur une échelle de juridicité, construite à partir de divers critères que sont, entre autres, la légitimité de son auteur, son obligatoriété ou encore son effectivité… Les recommandations de gouvernance se positionnent à un faible niveau sur cette échelle, même si elles témoignent d’une dynamique de promotion juridique, laquelle s’appuie essentiellement sur un phénomène de renforcement contextuel et substantiel de leur obligatoriété. Du point de vue des sciences de gestion, interroger la valeur des normes de gouvernance revient à emprunter une optique radicalement différente ; il s’agit d’observer dans quelle mesure les principes énoncés par les codes, une fois adoptés par les entreprises, contribuent aux performances de l’entreprise et à l’enrichissement de ses parties prenantes, au premier rang desquelles se placent les actionnaires. Les résultats des études empiriques menées sur le sujet, tout comme les cadres théoriques sur lesquels se fondent ces études, ne sont pas homogènes et n’aboutissent pas à livrer une vue nette et décisive sur le lien gouvernance – performance.
De la difficulté à solutionner la question de la valeur des normes de gouvernance, a mûri l’hypothèse d’une gouvernance des valeurs de l’entreprise. Le second temps de cette recherche se propose en effet de tester la dimension stratégique de la gouvernance, se déployant lors de la communication de la société rapportant son niveau de conformité à un code de gouvernance. Cette communication prend corps au travers du mécanisme dit de « comply or explain », lequel offrirait à l’entreprise l’occasion de mettre en avant des valeurs d’ordre éthiques sur la façon dont la société est administrée et la direction contrôlée. La pertinence même de cette hypothèse audacieuse a d’abord été soumise à questionnaire et entretiens. Ensuite, une démarche économétrique a entendu isoler la dépendance des déclarations de gouvernance aux caractéristiques conjoncturelles et structurelles de l’entreprise, de telle sorte à observer dans quelle mesure les sociétés adaptaient leurs déclarations de gouvernance en fonction d’un contexte de performance ou de structure déterminé. Cette phase de la recherche a été menée à large échelle : elle englobe les principaux indices boursiers français, allemand et britannique, sur une période de cinq années, soit un total d’environ 1500 déclarations de conformité. Les résultats de ces deux démarches, qualitatives et quantitatives, confirment partiellement l’hypothèse de la recherche.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : La mise en oeuvre des codes de gouvernance d’entreprise