Transhumanisme(s) & Droit(s) 

Auteur•rice•s

Amandine CAYOL, Emilie GAILLARD

Publication

Juin. 2022

En s’appuyant sur les sciences et les nouvelles technologies, les transhumanistes entendent développer les capacités physiques et intellectuelles de l’humain, pour en faire un « Être augmenté ». Cette recherche, dirigée par Amandine Cayol et Émilie Gaillard, plonge au sein des différents courants qui composent le transhumanisme pour déterminer en quoi cette idéologie va remettre de plus en plus en question les fondements ontologiques des grandes notions du droit français. 

Pour cela, elle s’attache d’abord à clarifier la notion de transhumanisme qui n’a rien d’un système de pensée homogène. Les auteurs identifient plusieurs courants (identitaire, académique, « du faire ») et diverses formes d’actions. Ainsi les transhumanistes ont créé leur propre parti en Angleterre et en Espagne alors qu’en France, ils s’expriment via l’Association française transhumaniste (AFT) dans un registre généralement plus modéré que celui des transhumanistes d’Espagne, plus favorables à l’avènement de la Singularité technologique, c’est à dire d’une rupture débouchant sur une nouvelle forme d’humanité. S’il y a des liens évidents avec le libéralisme et le capitalisme, l’étude de terrain montre les fortes dissensions entre les différents courants transhumanistes sur ce point. 

La plupart des militants – qu’ils défendent un « droit à être augmenté » ou réfléchissent à la nécessité (ou non) de réguler l’Intelligence Artificielle (IA) -, cherche généralement à transformer le droit par les voies légales, ce qui n’est pas le cas des GAFAM, lesquels investissent dans des programmes à teneur transhumaniste et adoptent des stratégies de contournement et d’affrontement des législations nationales. La recherche confirme par ailleurs que la progression dans les pratiques, notamment dans le domaine médical (implantation de nouvelles prothèses, recherche en laboratoire, diagnostique, etc.), vers l’« augmentation » de l’Homme peut se faire insidieusement, sans être formalisée explicitement ni prendre la mesure des implications en jeu, et par acclamation progressive (l’« augmenté » d’hier devient le « normal » d’aujourd’hui). La frontière est parfois, sinon de plus en plus floue entre ce qui « répare » – et qui est sans conteste de l’ordre du soin médical -, et ce qui « augmente » et améliore l’humain, qui se rattache à une évolution transhumaniste. 

Le rapport étudie les impacts sur cinq notions fondamentales du Droit de ces bouleversements qui remettent en cause des catégories anthropologiques fondamentales comme la distinction entre le vivant et les choses, et qui soulèvent des questions novatrices comme la responsabilité vis à vis des générations futures. Les notions de personne, de responsabilité, de propriété, de droits fondamentaux et de souveraineté – donnent ainsi lieu à de nouveaux débats qu’il convient d’anticiper dès à présent pour pouvoir encadrer des évolutions qui, si elles ne sont pas suffisamment pensées en amont, risquent de conduire à des dérives et des déviances. 

Voir la recherche n°18.34 « Transhumanismes(s) & droit(s) »